L'histoire d’un petit auteur de science fiction qui va créer une des « sectes » les plus rentables.
Il faut déjà clarifier trois choses.
Ce n’est pas un film de la même trempe que son précédent chef d’œuvre, rien n’a été formaté pour être spectaculaire, et même si c’est fait exprès, c’est forcément décevant si l’on est venu pour le grand réalisateur « sanglant ». On retrouve la veine de « Punch Drunk Love » qui est beaucoup moins universelle.
Si vous ne connaissez rien à la Scientologie à part les procès à charge des journalistes parisiens, vous n’aurez aucun plaisir et peut-être même un immense à priori sur la vie et les méthodes pas si effrayantes du rôle censé se référer à Ron Hubbard. Et ce film ne fonctionne pas (auteur américain oblige là où la Scientologie n’est qu’une religion comme une autre, pas plus farfelue) comme un procès à charge.
Si vous connaissez la Scientologie un peu mieux, on plonge dans l’histoire et la genèse d’un truc incroyable qui a réussi, avec des bricolages complètements incohérents - bien analysés dans ce film réellement très subtil - à fédérer un nombre incroyable de cadres dans le monde.
Rappelons que si le film montre à quel point Hubbard était mégalomaniaque et expérimentait tout et n’importe quoi avec une philosophie de bazar, on voit bien que la méthodologie fonctionnait pour « retourner » les esprits, surtout les faibles, mais parfois pour leur bien.
Et c’est sans doute ce qui explique que tant de disciples en font partie, dans notre domaine de prédilection, le cinéma : Giovanni Ribisi, Mimi Rogers, Juliette Lewis, Elisabeth Moss, Kirstie Alley, Jason Lee, Nancy Cartwright, Priscilla Presley, Xavier Deluc, Jenna Elfman, Paul Haggis, Anne Archer
Mais aussi dans la musique : Lisa Marie Presley, Hansen Beck, Isaac Hayes, Chick Corea, Chaka Khan et en son temps Sonny Bono.
Mais évidemment, un tel film n’aurait pas vu le jour et trouvé ses producteurs si le cinéaste n’avait pas en ligne de mire les têtes d’affiches du « Celebrity Center » : Will Smith; Julia Migenes, John Travolta et Tom Cruise, scientologues qui interrogent les américains sur leur seul critère intellectuel, la réussite financière.
Si en France, on pense officieusement à une secte (officiellement, ça reste une religion depuis un petit arrangement avec Giscard et les nombreux procès n’y changent bizarrement rien) il faut prendre ce film pour une analyse du mouvement et non une critique anti-sectaire, c’est ce qui déroutera le plus le spectateur de l’hexagone, alors que le cinéaste sans rien laisser passer sur les délires de Hubbard, ne fait pas le procès du système « technologique ».
Ces trois points clarifiés, on peut se concentrer sur le film. Très dur, parfois anxiogène face à la folie violente de Phoenix, littéralement habité par le rôle, comme Daniel Day Lewis en son temps, il commence trop lentement ou de manière trop malsaine, et jusqu’à la scène de l’audition, ne donne pas le rythme ou la finalité pour y rentrer facilement.
Ensuite, tout se met en place pour mieux nous dérouter avec les errements du « héros ».
Tout est fin dans la mise en place des protagonistes, jamais avec des caricatures ou des poncifs, la scène du lavabo avec la belle Adams est hallucinante de vérité. Les personnages savent pour quoi ils se battent et cela transparaît à l’écran, comme n’importe qu’elle histoire d’entrepreneur lambda. C’est peut-être le côté le plus polémique, mais après tout, Steve Jobs doit aussi traîner des casseroles de chef charismatique avec des partis pris pas toujours très rationnels. Dommage que ce ne soit pas Anderson qui soit aux commandes.
La musique est très (trop) présente mais toujours aussi belle (Radiohead) sans parler de la bande son typique fifties. La photographie est magnifique, comme toujours.
Les cinéphiles qui ne veulent rien savoir de la Scientologie seront contents de la performance pure de Joaquim Phoenix et du cabotinage de Hoffman, mais ils ne digéreront pas forcément l’impression de « douceur » envers l’historique de ce qui est devenu un mouvement planétaire. Les autres comprendront que le projet était peut-être trop ambitieux et a oublié de trancher pour fédérer les anti ou les pour, ce qui reste subtil à mes yeux devient mou ou complice à d’autres.
Il reste l’histoire d’un homme libre qui trouve sa voie face à tant de difficultés et d’errances, et même si l’on ne peut avoir aucune empathie envers sa violence ou sa folie, c’est courageux et beau, la rencontre avec le fondateur de la Scientologie n’étant qu’une « péripétie ».