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Un visiteur
3,5
Publiée le 25 novembre 2011
« Quand les hommes sont morts, ils entrent dans l'histoire. Quand les statues sont mortes, elles entrent dans l'art. Cette botanique de la mort, c'est ce que nous appelons la culture. » C’est du point de vue de la culture occidentale que Chris Marker et Alain Resnais dénoncent le colonialisme. Ces statues sont filmées sur un fond noir, neutre, comme inscrit hors du temps et de l’espace. Le film montre aussi l’appropriation de ces statues par la civilisation occidentale, qui fait de ces statues un objet de commerce, leur faisant perdre ainsi toute leur dimension panthéiste et magique. L'image et le texte ne se répondent pas forcément. Un documentaire réussi qui nous montre les caractéristiques du cinéma de Chris Marker et le travail de monteur d’Alain Resnais.
La phrase inaugurale demeure encore dans nombre de mémoires : "Quand les hommes sont morts, ils entrent dans l'histoire. Quand les statues sont mortes, elles entrent dans l'art. Cette botanique de la mort, c'est ce que nous appelons la culture". Commandité par la revue Présence africaine, "Les Statues meurent aussi" fut réalisé par Alain Resnais et Chris Marker. Datant de 1953, le moyen métrage fut interdit en France et devra attendre huit ans avant de pouvoir enfin être visionné. Davantage que son acolyte Resnais, l'oeuvre constitue en réalité l'antichambre du style Marker, où la puissances des images se met toujours au service d'une diatribe, ici en l’occurrence anti-colonialiste. Sa structure est sur ce point fascinante ; partant initialement de la question de l'art nègre, afin de savoir pourquoi cet art, hiérarchisé par rapport à celui d'autres civilisations, se trouve constamment ravalé au rang de folklore, l'oeuvre trouvera une mutation inattendue. Celle-ci, fourmillant de considérations de plus en plus larges, ira en force implacable jusqu'à la question cruciale du rapport blanc/noir, clôturant trente minutes d'une immense richesse. Démonstration claire et brillante, ponctuée d'intenses réflexions sur l'art, la mort et bien entendu le colonialisme. Des images saisissantes et inoubliables.
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3,0
Publiée le 5 janvier 2014
Ce court commence oralement de la plus belle des manières : « Quand les hommes sont morts, ils entrent dans l’histoire. Quand les statues sont mortes, elles entrent dans l’art. » Alain Resnais se spècialisera surtout dans le documentaire d'art, avant de passer au long-mètrage avec "Hiroshima mon amour". Ses constantes thèmatiques et stylistiques s'insèrent dans une ligne polèmique qui est dèjà particulièrement nette dans "Les statues meurent aussi", rèalisè en 1953 en collaboration avec le sarcastique et convaincu, le sobre et brillant Chris Marker, et dèjà victime de la censure pour charge anticolonialiste! Ce qui ne l'empêcha pas de remporter le prestigieux Prix Jean-Vigo en 1954! Une vraie curiositè où Ghislain Cloquet semble avoir ètè oubliè de tous alors qu'il rèalisa ce court en collaboration avec Resnais et Marker...
J'avais un peu peur au début de la collaboration entre Resnais et Marker que j'adore tout deux, mais leurs style de documentaires sont loin d'être les mêmes (Nuit et Brouillard, c'est pas Sans Soleil par exemple, rien que dans la forme). Mais finalement on a un film totalement cohérent, une oeuvre importante qui dit bien des choses sur l'art nègre, sur l'afrique, sur la colonisation, sur l'arrogance du blanc. C'est clairement un film qui remet à sa place le spectateur blanc sur ce qu'il croit savoir du monde noir, c'est assez bluffant, je ne m'attendais pas à ça en visionnant ce film, c'est une véritable leçon d'humilité. Un grand film.
Il fallait que je découvre davantage de Resnais et davantage de Marker. Rien de tel alors qu'un mélange des deux! Et le choix fut judicieux car force est de constater que ce film révélait déjà une certaine audace quelques années avant la déferlante de la Nouvelle Vague. Les statues meurent aussi s'appuie sur la culture africaine pour aborder des sujets plus larges, plus politiques sur notre société occidentale. Et ce point de vue occidental donne de la force au propos du film en mettant le doigt notamment sur les dérives du colonialisme qui est encore fortement ancré dans notre société en 1953. "L'art nègre" est filmé ici sous toutes ses coutures, et le regard posé par les deux cinéastes sur sa perception est vraiment intelligent. Il y a notamment une phrase assez géniale dans le film où le narrateur explique que, sur ces statues, le blanc voit du pittoresque là où le noir voit de la culture.
Et c'est l'un des grand maux de notre société qui est mis ici en exergue, celui de vulgariser la culture des autres civilisations qui conduit à une véritable appropriation de celle-ci. On va parquer cet art dans des musées sans chercher à le comprendre, en le détournant de sa véritable nature qui ne le destinait sûrement pas à être examiné par des yeux curieux. Et cet art nègre est alors devenu un artisanat puisque l"homme blanc le veut désormais pour garnir ses musées ou décorer son habitant. Une nouvelle demande mercantile était alors née. Comme c'est dit dans le film, le noir rend les babioles que le blanc a donné quand ce dernier a colonisé les terres du premier. Il n'y a alors plus de dimension sacrée autour de ces objets, d'où la vulgarisation de la culture dont ils émanent. Au fond, on peut voir le rapprochement avec notre société où l'homme a transformé des objets en art alors que ce n'était pas leur but premier (les fresques des églises notamment). On peut ainsi dire que le commerce a dépassé la religion, ce que le film déplore sur cet art méconnu. Plus qu'une simple critique du colonialisme, il y a cette attaque féroce sur l'acculturation et l'incompréhension de la culture de l'autre qui peut mener vers sa destruction. Tu m'étonnes que le film ait été censuré pendant des années, sûrement trop violent pour l'inconscient collectif français de l'époque.
Sur un plan cinématographique, j'ai vu davantage la patte de Resnais que celle de Marker. Comme dans Nuit et Brouillard, on constate qu'il s'agit d'une oeuvre de mémoire. Le film est d'une étonnante richesse au vu de sa courte durée et brasse des thématiques qui peuvent encore toucher aujourd'hui. Après je pense que le film est à resituer obligatoirement dans son contexte pour être mieux cerné, ce qui fait que son message peut paraître un peu daté et éloigné aujourd'hui. Mais en tout cas ça reste intéressant de voir un film traitant de cet art oublié car il a été pris en tenaille entre une culture chrétienne à tendance appropriative et une culture musulmane qui rejette l'icône et la représentation. Et le plus fort c'est que le tandem Resnais/Marker parvient à faire deviner la grandeur d'une civilisation et d'une société derrière ces statues. Celles-ci sont d'ailleurs filmées sur fond noir, comme si elles étaient hors du temps et de l'espace, sans oublier cette part de mystère qu'elles renferment. Et comme le mystère est captivant, on peut dire que j'ai beaucoup aimé ce film qui m'a intéressé à un sujet dont je ne connaissais rien. Et c'est ça la force d'un bon documentaire.
Avec l’aide de Chris Marker, Alain Resnais propose, dans Les statues meurent aussi, de raccorder l’art nègre au contexte d’exploitation coloniale qui dénature l’œuvre d’art en la multipliant en autant d’objets de décoration – le propre de la culture de masse selon Hannah Arendt dans son essai La Crise de la culture (1961). La multiplication des statues, mises en dialogue les unes avec les autres par un travail du montage sans pourtant en figer la signification, ne constitue qu’un préliminaire à une attaque féroce de l’hypocrisie française – et plus largement européenne : le discours esthétique apparaît de prime abord tel moyen de détourner le regard, de s’affranchir des considérations éthiques et politiques ; à cette trajectoire initiale, le cinéaste substitue une forme initiatique audacieuse, engagée dans un crescendo rythmique et tonal, qui se propose de « réparer le tissu du monde » en faisant communiquer entre elles à la fois les statuts et les cultures. L’obsession de la mémoire chère à Alain Resnais transparaît dans la conviction que « la mort est toujours un pays où l’on va en perdant la mémoire » : mort de la connaissance, mort de l’être humain coupé de ses liens essentiels avec la nature et sa conscience de lui appartenir, d’en provenir et d’y retourner. Le court-métrage troque cette mort contre une « promesse commune à toutes les grandes cultures, d’un homme victorieux du monde », affirmant la continuité entre la culture africaine et la nôtre.
Marker c'est un peu un des plus grand réalisateur de court-métrage de l'histoire. Et quand tu te dis que ce film a aussi été réalisé par Resnais bah il y a de quoi s'émoustiller démesurément. Je dois dire avoir beaucoup aimé, simplement c'est la dernière partie qui m'a gêné. Le problème c'est que je suis sûr que la majorité vont simplifier le discours de Marker. Disons pour faire simple que lorsqu'on voit ce film, on comprend vite qu'on parle d'un art ignoré (les sculptures africaines) et qu'ensuite le film finit sur une critique de la colonisation. En dehors de l'engagement politique que je peux comprendre à cette époque, qu'on peut exporter aussi à d'autres continents et qui a valu l'interdiction de ce film je pense qu'il s'y joue quelque chose de beaucoup plus profond. La dernière partie ne m'a pas trop plu, je la trouve quelque peu moraliste (quoi que très subtile, Marker oblige) mais forcément elle pousse à l'indignation. Et j'aime pas trop cette manière qu'il y a de te manipuler. Le cinéma doit proposer, pas imposer. Mais le truc c'est que le film est certes un film sur la colonisation, mais surtout sur l'art. Et de dieu comprenez le bien ! Le discours sur l'art explique la colonisation ! Coupe les deux premiers tiers du film et c'est sans intérêt. Toute la profondeur du film c'est que l'explication du comportement et de l'incompréhension de l'occident face à cet art (parce qu'il y a eu la reproductibilité technique toussa toussa) est complémentaire de celui vis-à-vis de l'Afrique. Voire c'est par le comportement que l'on a eu vis-à-vis de l'art africain (peut-être de la culture) que l'on a eu ce comportement vis-à-vis des africains eux-mêmes. C'est grandiose, remis dans cette perspective c'est absolument magistrale. Je passe vite fait en revue quelques choix de mise-en-scène absolument géniaux comme la maladie qui se propage avec l'image d'un noir habillé en militaire, comme l'analogie entre la batterie et les coups des boxeurs. Le truc très fort du film c'est qu'il ne donne aucun temps mort, il est très dense, alors des fois on aimerait bien avoir un peu de temps pour réfléchir ce que Marker raconte mais c'est très puissant (en ce sens ça m'a pas mal fait pensé à Enquête sur la sexualité de Pasolini, ça ne s'arrête jamais de penser et de nous faire réfléchir) et puis la force de Marker c'est d'être simple dans ce qu'il dit sans être caricatural, c'est simple mais jamais simpliste, au contraire c'est d'une incroyable profondeur, c'est vrai ! Qui aujourd'hui pourrait se targuer de faire un film avec un discours politique si profond, si dense, une telle compréhension de l'histoire, si un mec est capable de le faire alors c'est que je ne le connais pas, ou qu'il reste planqué dans sa piaule, ou qu'il ne peut pas s'exprimer pleinement. C'est riche, c'est incroyablement intelligent, sans être didactique, que demander de plus ?
Une véritable réflexion sur l'Histoire et la culture qui nous est transmise à travers ce magnifique documentaire. Des images et des successions de plans porteurs de toute une symbolique : la domination culturelle de l'homme blanc sur la culture africaine qui amène à la lente agonie d'une culture pleine d'incompréhension et de préjugés.
Les statues meurent aussi c’est un film-essai, il parle de l’art africain et comment les Français sont influencés par le colonialisme quand ils consomment cet art. Le film est sorti en mille neuf cent cinquante trois et n’a pas de personnages, seulement des images d’archives. Il a été raconté par Jean Negroni et réalisé par Alain Resnais, Chris Marker et Ghislain Cloquet. Le film m’a laissé pensif car il montre la vision des Français eux-mêmes sur l’art africain, continent qui a beaucoup souffert de la colonisation française. Le film explique que les statues mortes sont celles qui ont la signification originale effacée et ne deviennent que des monuments dans un musée. Il dit également que les artistes africains ont réduit leur expression artistique et culturelle pour s’adapter au marché de l’art européen, c’est un autre aspect de la colonisation.