Nuit américaine, un soir d'été, le bleu du ciel crépusculaire entre les pins qui entourent une villa d'architecte au bord de la mer, le son des vagues nous parvient, le vent dans les arbres, le chant des grillons, des oiseaux, voici le cadre où s'est retiré le traducteur, un homme jeune, méditérannéen. A voix haute, travail avec un magnétophone enregistreur, reprise des phrases en arabe, en français, stylo à la main, mano a mano de fond avec le texte des minutes du procès d'Oscar WILDE, alors au faîte de sa gloire, abattu en plein vol au motif de "poser au sodomite". Peu à peu la nuit tombe, on allume les pièces, les différents intervenants du procès prennent la parole, l'identité du traducteur se dissout alors avec l'avancement de la nuit et se diffracte en incarnant, devenant la voix, et presque le corps des différents protagonistes. Traversée nocturne, déplacement minimal mais décisif, pensé ; retranscription littéraire, mentale, charnelle. Enfin, la parole est donné à Oscar Wilde, qui élève les débats avec la hauteur d'esprit qui convient, et pose le véritable réquisitoire, contre la démagogie de l'Opinion, de l'ignorance, défense de l'art, de la liberté, de l'amour. Le jour se lève, Oscar Wilde sera condamné aux travaux forcés, s'exilera en France à l'issue de sa peine ; il ne publiera qu'un seul texte, anonyme, signé de son seul matricule de prisonnier, ultime testament spirituel. Digne d'une mise en scène du meilleur théâtre, transporté dans la dimension d'un dispositif cinématographique essentiel, une image incroyable, magnétique, les musiques de Béla Bartok, Aphex Twin et des Tindersticks ; coup de coeur intégral, meilleur film français vu depuis le début de l'année.