"Le Roman de ma femme" commence par une disparition, du genre "inquiétant" : Paul, un avocat prometteur, est parti faire du jogging avec son chien, mais le labrador est rentré seul, "tremblant de peur", précise Eve, sa jeune épouse, aux enquêteurs. Les jours passent, Paul ne réapparait pas et sa situation financière qui se révèle rapidement très obérée met la jeune femme dans un grand embarras ; heureusement Michel Chollet, un pénaliste de renom auprès duquel Paul avait commencé sa carrière, se rapproche d'Eve et la prend en grande amitié, au point de régler les énormes dettes du disparu. Me Chollet a connu lui aussi la douleur de la disparition : son fils unique, son épouse ; Eve et lui conjuguent leurs solitudes, mais vraiment pas pour une banale histoire d'amour ! Il y a aussi une intrigue policière (somme toute assez prévisible), sur l'air du "tel est pris qui croyait prendre". Mais ce premier film français du tadjik Usmonov est d'abord un drame (réussi), à la redoutable mécanique, où c'est la caméra qui écrit l'histoire, qui est en charge du "roman", plus que le dit des dialogues : elle décrit les personnages et situe l'action, mais aussi montre ou estompe, supprime surtout, construit les pistes et les défait... Autour d'Eve ce ne sont décidément que disparitions : son mari, puis son amant sortent successivement de sa vie, dans le même temps d'ailleurs où ses autres familiers disparaissent aussi à l'écran, comme "gommés" : le chien de Paul, la femme de ménage, le policier en charge de l'enquête. Tout s'efface, tout s'éloigne : ainsi également de deux intrigues périphériques, s'inscrivant dans la même logique - et donc utiles à la compréhension du tout (le prisonnier qui doit être extradé et sa compagne qui "partira" avec lui, et la tentation masochiste d'Alexandre, un ex-petit ami d'Eve qu'elle rejette impitoyablement, après avoir été tentée de s'en servir dans ses entreprises inavouables). Eve est seule à la dernière image... Côté distribution : Léa Seydoux, glaciale à souhait, est à son meilleur dans le rôle d'Eve (à quelques scories de jeu près), Olivier Gourmet confirmant quant à lui en Michel Chollet sa grande maîtrise dans les rôles ambigus.