Tout était réunis pour livrer un thriller de haute volée. Un casting olympique (enfin surtout du côté féminin) entre Jessica Chastain qui est dans tous les bons coups ces derniers temps (The Tree of Life, Take Shelter) et une Chloë Moretz qui ne cesse de confirmer son statut d'actrice prometteuse (dirigée par Scorsese et Burton, rien que ça). Qui plus est, l'état du Texas est le cadre idéal pour une telle histoire, l'ambiance d'un enfer cuisant étant propice aux concerts des alcooliques défigurés et autres serial killers.
Cependant, comme on s'en doute dès les premières images, quelque chose de superficiel recouvre la surface plastique de l'écran, quelque chose qui enlève toute force intrinsèque au film. Une caméra virevoltante – alors qu'elle ne devrait pas l'être – au-dessus d'une voiture abandonnée, une qualité d'image épurée – alors qu'elle ne devrait pas l'être –, trahissant l'essence même du Texas. On nous parle des Fields, sortes de déchèterie humaine d'une région depuis trop longtemps délaissée, mais on la filme avec douceur, le film prenant un esthétisme qui ne colle pas du tout à son propos. J'ai d'ailleurs moi-même eu une réflexion légitime durant le visionnage, celle d'être persuadé que ce n'était pas un réalisateur mais une réalisatrice. Bingo, c'est la fille de Mann qui est aux manettes, et sans tomber dans un raccourci sexiste de bas étage – ma réal' préférée est Coppola fille – ça se voit !
Que ce soit dans le traitement de son image ou de ses personnages il y a quelque chose de très féminin, de trop féminin, qui s'empare du récit et qui lui enlève toute puissance. On est loin du film coup de poing auquel je m'attendais, normal, il manque de testostérone. Nous avons le traditionnel good cop/bad cop, l'un étant campé par Jeffrey Dean Morgan et l'autre par Sam Worthington (un mauvais acteur btw). Difficile de sympathiser avec ce duo qui essaie d'envoyer de la punchline, du nerf, mais qui reste trop fade et antipathique pour nous mettre dans le bain. On est loin du duo crasseux de Morgan Freeman et Brad Pitt dans Seven, par exemple. Ici tout est trop lisse, à commencer par les personnages et l'intrigue du film, aussi surprenante qu'un épisode des Experts. D'ailleurs tout le film prend un peu la forme d'un de ces épisodes, et si dans certains films c'est fait avec brio (La Défense Lincoln récemment), dans le cas de Killing Fields ça finit de faire transiter notre exaspération en consternation.
Et les deux actrices qui valent le coup (susnommées) se cantonnent à des rôles de faire valoir. Jessica Chastain reste la femme-de-flic pendant tout le film (mais vraiment), obligée de balancer des répliques aussi clichés les unes que les autres. Et si le personnage de Chloë Moretz est très attachant (le seul qui vaille le coup d'aller au bout), son rôle se limite malheureusement à un ensemble de va-et-vient qui ne sont là que pour préparer l'instant fatidique qui est censé nous surprendre mais dont on a deviné l'avènement une heure plus tôt. L'ensemble du film est donc très mou, superficiel, et les personnages sont tous des espèces de clichés du genre, qui n'attisent aucune sympathie et nous donne même envie de leur foutre des baffes. Les seuls moments où Mann trouve sa ligne de conduite c'est quand elle porte ses couilles, avec deux scènes magistrales : un carnage dans une maison et un duel dans une voiture digne des plus beaux moments de Tarantino. Mais bon, si c'est pour trois minutes, autant attendre un clip youtube plutôt que de se taper cette purge qui ne plonge en rien dans les entrailles du Texas et reste en surface avec la platitude d'une série télé made in TF1.
Quand on sait que la jeune femme a réalisé un épisode de la série Friday Night Lights (prenant place au Texas) on se dit qu'elle aurait du en profiter pour prendre des leçons auprès de Peter Berg, le maître dans l'art de filmer le quotidien crasseux et rongé de la région. Killing Fields c'est donc une déception qui a fait naître chez moi tant la colère que la moquerie, me donnant juste l'envie de passer vite à autre chose.