Sorti quelques mois avant Vendredi 13, Fondu au noir s’inscrit dans les précurseurs du slasher, alors que le genre n’avait pas encore identifié tous ses codes. On y suit la folie ascendante d’Eric Binford, sous les traits de Dennis Christopher (Ça, Le double maléfique, Django unchained), jeune célibataire vivant chez sa tante en fauteuil roulant et passant ses nuits à regarder des films dans sa chambre avec son projecteur. Profondément renfermé et terriblement féru de cinéma, il a le malheur de rencontrer une jeune femme séduisante sosie de Marilyn Monroe, dont il s’éprend bien vite comme l’atteste son sourire outrageusement niais à faire pâlir Ben Stiller dans les premières minutes de Mary à tout prix. Alors que cette dernière (qui s’appelle réellement Marilyn dans le film) s’amuse en lui posant un lapin lors d’un rencard, il commence à sombrer dans la schizophrénie et commet meurtre sur meurtre en se vengeant des personnes qui lui s’en sont pris à lui. L’originalité du scénario est qu’il se vêt à chaque fois d’un costume correspondant à un personnage culte du septième art, et avec un soin particulier apporté aux maquillages aux tissus.
Commençant par reprendre une scène du Carrefour de la Mort en poussant sa tante dans les escaliers après qu’elle ose casser son projecteur pour qu’il se bouge, il va un à un terrifier ses victimes sous les traits du comte Dracula, Hopalong Cassidy, la Momie et finir en beauté par Cody Jarret de L’enfer est à lui, offrant ainsi un véritable hommage à l’histoire du média. Le final où
il monte en haut d’un bâtiment avec Marilyn comme prisonnière
a sans doute inspiré l’ascension du Joker dans la cathédrale du Batman de Tim Burton, sans parler de la dégaine de gangster dont il fait preuve avec son chapeau. Le tragique du personnage d’Eric est surtout réussi dans la pitié croissante qu’on peut ressentir à son égard à l’approche de la fin (tout comme Jim Carrey à la fin de Disjoncté), sa folie inéluctable étant caractérisée par son acharnement
à vouloir s’enfuir avec Marilyn
alors qu’il sait pertinemment
qu’il sera maîtrisé par les nombreuses forces de police déployées pour l’arrêter.
Malgré un évident enrobage de série B frisant parfois le nanar (la VF souvent décalée, Eric et son rire de méchant complètement ridicule, le cliché du type qui devient méchant à force de se gaver de films d’horreur), Fondu au noir réussit avec brio ce qu’il entreprend et offre un spectacle touchant conservant bien plus de cachet que des classiques comme Halloween, Vendredi 13 et Les griffes de la nuit.