J'ai participé à plusieurs documentaires et reportages de vulgarisation sur la diversité, le fonctionnement des forêts tropicales (Ushuaia Nature-TF1, La route des arbres - France5, Les Nouveaux Monde-Antenne2
Depuis une trentaine d’années, j’ai aussi été témoin de la dégradation accélérée des forêts tropicales sur tous les continents. J’ai constaté l’impuissance de la communauté scientifique à freiner, voire faire stopper cette fuite en avant de l’ensemble des pays de la planète pour plus de croissance, de développement et d’extraction des ressources naturelles, comme les minerais, et les plantations de palmiers à huile, le tout accompagné de la destruction explosive des forêts tropicales. Nous avons, je pense, un gros problème de communication. Les conséquences pour le climat de la planète sont aujourd’hui visibles au quotidien. Que faire alors ? Est-ce qu’il faut continuer ‘business as usual’, ou faut-il ré-agir différemment ?
J’ai fait le second choix, ce qui m’a valu d’être reconnu comme un expert mondial, et un défenseur des forêts tropicales, celle de Guyane en particulier. Mon expertise comme scientifique du MNHN pour le gouvernement français en décembre 2007 a en effet permis de sauver et de protéger (pour l'instant) la forêt de la montagne de Kaw, en Guyane, qui était promise à la destruction par une société minière canadienne. Une goutte d’eau dans un océan de cas possibles, certes, mais c’était un début. Combien d’autres « forêts de Kaw » restent-il dans le monde à sauver ? Elles sont nombreuses en sursis. Dans ces pays tropicaux, des scientifiques tentent d’inverser le processus de destruction en masse des forêts tropicales, mais ils n’ont pas forcément les oreilles d’un Président de la République pour l’écouter et l’entendre, ou le soutien médiatique d’un Nicolas Hulot local. Les films, comme celui d’Eric Flandin, sont alors leur seule bouée de sauvetage.
C’est pourquoi je soutiens professionnellement, mais aussi personnellement, le film L'HOMME AUX SERPENTS d’Eric Flandin, et ai voulu le présenter à l’auditorium de la Grande Galerie du Muséum (12 mai 2013). Ce film montre qu’on peut inverser le processus, avec l’aide des populations locales, qu’il faut aussi soutenir, comme ici en France. Rien ne se fera sans ceux qui vivent et dépendent directement de la forêt tropicale pour leur survie. C’est le message du film. Je soutiens aussi le film parce qu’il s’adresse à tous les publics, d’ici et d’ailleurs, souvent ignorants de ce qui se trame de l’autre côté de la planète, loin des yeux. En soutenant moralement ce film, en tant que Professeur du Muséum National d’Histoire Naturelle, je m’engage donc du côté de la conservation de la nature in vivo. C’est notre responsabilité à tous. A quoi bon conserver et montrer des collections provenant de la forêt amazonienne dans la Grande Galerie du MNHN, comme le tapir, et la Galerie des Enfants si, nous, au MNHN, n’agissons pas aussi pour aider à la conservation de la diversité vivante in situ.
Le film d’Eric Flandin nous permet donc d’établir le contact avec le grand public, et de parler de notre métier de biologiste, celui du protagoniste du film Franz Florez, de sensibiliser le public à la conservation et la protection de l’environnement, en Colombie, mais aussi dans notre vie de tous les jours.
J’ai assisté à plusieurs projections de ce film et il a été très bien accueilli par le public. Comme je l’ai fait pour le film d’Olivier Weber « La fièvre de l’or » dont certaines séquences ont été montrées dans le cadre de l’exposition « L’or des Amérique » au MNHN, il est important d’apporter notre soutien au film d’Eric Flandin en allant le voir. Ce film s'inscrit dans la lignée de ces documentaires 'humano-environnementalistes'. Dix ans après 'Le cauchemar de Darwin" de Hubert Sauper (2004), on a encore du pain sur la planche pour sauver les forêts tropicales car leur destruction irréversible serait un autre cauchemar pour Darwin.
Pierre-Michel Forget
Professeur du Muséum national d'Histoire Naturelle