Premier film du réalisateur anglais Tom Hooper, dont le grand mérite est son traitement simple et profond d’un sujet qui aurait pu être source d’ennui ou prétexte à un exercice de style. Au contraire, beaucoup d’humilité et de tendresse dans cette mise en scène discrète, classique mais efficace, au service des personnages et des acteurs.
Le film commence par le discours pathétique d’Albert (Colin Firth) – duc d’York et second fils du roi George V – à une foule dont les visage atterrés reflètent le sentiment du spectateur devant l’impuissance d’un homme à effectuer l’acte le plus anodin, le plus quotidien qui soit: parler. Il se termine, comme son titre l’indique, par le discours d’un roi. Entre ces deux discours, un homme, Lionel Logue (Geoffrey Rush), un étranger venu d’Australie, thérapeute du langage aux méthodes peu conventionnelles.
Dès leur première rencontre, Lionel tient à appeler Albert « Bertie », surnom réservé aux membres de sa famille. La familiarité du thérapeute et les réticences du duc font parfois pencher le film du côté des comédies aux dialogues pleins d’esprit comme seuls les anglais savent les faire.
D’abord rejeté, Lionel finira par gagner la confiance du duc, qui admettra lors d’une de leurs séances qu’il ne s’était jamais adressé à un homme du peuple avant lui. Le film est aussi l’histoire de cette amitié improbable.
Les deux personnages touchent par leurs faiblesses: le spécialiste du langage est un admirateur de Shakespeare et un acteur raté, recalé à une audition de la Tempête par une troupe amateur; le duc pour ses filles invente l’histoire d’un pingouin loin de la banquise et incapable de voler. L’échec, la difficulté à trouver sa place, sa voix, dans une société codée et rigide est un des thèmes du film.
Comme dans tout biopic, l’histoire intime se mêle à l’Histoire. Après la mort de George V et l’abdication de son frère aîné, Albert est contraint de devenir roi d’Angleterre, alors que le pays s’apprête à entrer en guerre contre l’Allemagne nazie. Devant les actualités montrant un discours d’Hitler, Albert, obsédé par son propre handicap, ne peut que constater le talent d’orateur du Fürher.
Le langage est ici souffrance et jouissance, performance. Dans la dernière scène, comparable à un exploit sportif, on est, tel la femme du roi, le visage anxieux, retenu à la bouche du duc au bord du vacillement, du trébuchement, comme un coureur peut tomber à tout moment avant de battre son propre record. L’accomplissement du duc devenu roi dont la voix, d’abord source de malheur et de frustration, finit par symboliser l’affirmation de la résistance contre le nazisme, est aussi l’accomplissement d’un homme. Un biopic réussi, comme les Anglais savent faire.