Tout le monde connaît "Hansel et Gretel", ce conte populaire des frères Grimm qui envoyait un frère et une sœur se perdre dans la forêt jusqu’à ce qu’ils découvrent une demeure toute en pain d’épices et friandises appartenant à une sorcière anthropophage. Maintenant imaginez ces deux jeunes rescapés, vieillis, des années plus tard, traquant la sorcière maléfique à coups d’arbalètes customisées et de gros calibres. Si à première vue, ce pitch plutôt fun pouvait laisser envisager un produit de consommation décomplexé à prendre au dernier degré, et bien c’est raté ! "Hansel et Gretel : Witch Hunters" est une blague plutôt marrante. Tout à coup cependant, elle ne devient plus drôle du tout. Derrière tous les gags sur la familiarité des contes de fées et l’accord mutuel entre film et spectateur que 0% de tout ceci ne doit être pris au sérieux, demeure une question à propos du pitch : n’est-ce pas faire preuve de mauvais goût que de proposer un film bâti sur l’héroïsme de chasseurs de sorcières, dans un univers médiéval ? Sérieusement, les auteurs de ce film savent-ils que les sorcières ne sont pas strictement une invention comme les vampires ou les zombies ? Que le terme "chasse aux sorcières" est utilisé aujourd’hui pour décrire une persécution injuste, justement parce que les chasses aux sorcières ont vraiment existé dans le passé, et dans certaines sociétés, existent encore dans la vraie vie avec des conséquences atroces ? Certes, les sorcières en tant que femmes surnaturelles et monstrueuses n’ont jamais existé, mais il y a bien une raison qui explique pourquoi certaines religions néo-païennes s’identifient encore aujourd’hui à la sorcellerie : les chasseurs de sorcières eux, ont vraiment existé, et utilisaient les allégations de sorcellerie pour immoler, pendre, noyer, torturer et assassiner des gens (et des femmes en particulier) qui selon eux, avaient des croyances inacceptables ou agissaient contre la volonté des autorités gouvernementales et religieuses. Enfin, quiconque voulant faire un film d’horreur fantastique américain à gros budget en a forcément entendu parler, non ? Ce n’est pas quelque chose de nouveau ? Et nous voilà avec un film où les gens qui débarquent dans les villages pour massacrer, flinguer et brûler les femmes sont les gentils, tout simplement parce qu’il se trouve que leurs victimes sont des vraies sorcières. Je lis peut-être un peu trop entre les lignes, mais est-ce impensable que tout cela ait quelque-chose de craignos ? En tout cas, ça n’aide pas l’étrange misogynie sous-jacente d’un film dont le gag favori est de montrer des femmes se faire défoncer la gueule dans les scènes d’action, de la même façon que les orques dans "Le Seigneur des Anneaux". Bref, "Hansel et Gretel : Witch Hunters" est un autre de ces films de genre au titre parodique comme "Abraham Lincoln : Chasseur de Vampires", qui fait exprès d’être débile et cherche à sauver la mise avec la plaisanterie qui a été faite à partir d’un titre, d’un concept et d’un style qui seraient dignes d’un nanar. Cependant 'Hansel et Gretel : Witch Hunters" ne vise pas très haut du tout. Imaginez un film d’horreur et d’action, où le frère et la sœur du conte de fées ont grandi pour devenir des tueurs balèzes anachroniques et lourdement armés, qui abattent les sorcières, et voilà le travail : c’est un film qui n’a nulle autre ambition que d’être une blague étirée sur 1h30. Si seulement la blague était plus marrante... Malheureusement, après un récapitulatif assez efficace de l’histoire de la sorcière cannibale dans la maison des sucreries, le film finit par jouer toutes ses meilleures cartes dans les dix premières minutes. Oui, c’est rigolo de voir les versions médiévales de gags sur les chasseurs de primes modernes. Au début. Oui, c’est fun de voir Hansel et Gretel déployer leur arsenal steampunk d’arbalètes semi-automatiques et de flingues rétro high-tech pour des bastons à coup de pétoires. Au début. Oui, ça fait sourire d’entendre des insultes et des plaisanteries dignes des héros d’action contemporains prononcées par des personnages qui viennent ostensiblement du Moyen-âge. Au début. Et oui, voir Gemma Arterton qui joue une dure-à-cuire over-the-top habillée en cuir moulant et lourdement armée… Bon, ok, ça c’est génial et on ne s’en lasse pas. Ah, et un petit détail de l’intrigue concernant Hansel qui souffre d’une maladie "mystérieuse" est suffisamment bien trouvé pour qu’il mérite un film à lui tout seul. Mais pour le reste, c’est juste soporifique. Une fois le premier quart d’heure passé, vous avez plus ou moins vu le film dans sa totalité. Famke Janssen campe une "bad guy" sans réel enthousiasme, il y a deux ou trois rebondissements que certains trouveront prévisibles et que d’autres auront deviné dès le début, et une poignée de séquences est dominée par la présence étonnamment réjouissante d’un troll qui est bizarrement absent du marketing du film. Il faut le reconnaître, c’est toujours un régal de voir des monstres au cinéma où c’est le maquillage détaillé qui leur donne vie et pas des effets de synthèse. Même si parfois, on peut se demander si c’est vraiment un électrochoc qu’il faut pour les réanimer après une chute d’une falaise qui aurait dû réduire leur squelette en bouillie. Il est tentant de dire que Monsieur le Troll et le nombre copieux d’effets gores à l’ancienne seraient assez pour sauver les meubles et rendre le tas de fadaises qu’est "Hansel et Gretel : Witch Hunters" recommandable, surtout quand le reste du film est noyé dans ces mêmes effets spéciaux numériques qui n’arrivent plus à impressionner. Mais si l’audace de la violence a pour mission de ne reculer devant rien et s’avère être assez fun ci et là, ça finit par devenir inconfortable dans le même film, où la grande majorité des scènes d’action essayent de trouver des nouveaux moyens de tabasser des femmes en costume médiéval jusqu’à ce qu’elles soient à moitié mortes. D’accord, les sorcières sont méchantes, mais même Gemma Arterton en prend plein la gueule plus souvent que le Hansel de Jeremy Renner. À vrai dire, le film semble tellement amoureux de l’idée de voir Gretel se faire rouer de coups jusqu’à l’inconscience, pour qu’elle se fasse soigner par un personnage masculin, que l’incident arrive deux fois, dans deux scènes quasi-identiques. Dommage, étant donné que jusque-là, Gretel était une héroïne assez attachante qui rompait de bon cœur avec la convention... Bref, à part cela le casting est correct et ça fait plaisir de voir Thomas Mann dans un autre film que le navet de haut vol "Projet X", mais il reste que "Hansel et Gretel : Witch Hunters" est un divertissement vraiment pas terrible