Avis sur Rak haeng Siam

Pour moi le meilleur film que j'ai vu.

Je tiens déjà à dire que le film ne se résume pas à une histoire de gay et des personnes non gay peuvent tout à fait le regarder, la preuve je l'ai fait (ça n'empêche pas d'ailleurs d'être pris dans la relation). Je trouve d'ailleurs assez mal placé de voir que des bandes annonces gay sur le dvd du film, poussant à croire que l'on ne veut que cibler le public gay alors que ce n'est décidément pas le cas, le film a fait un véritable triomphe au box office thailandais.

Attention je spoil !!

Le film tourne aussi autour d'autre thème comme la famille : relation grand-parents-petits enfants, un père alcoolique et malade, une mère qui étouffe sa famille de son amour, une famille qui n'arrive plus à être heureux à 3 alors qu'ils étaient 4, le problème de l'amour : une petite amie qui cherche à être le centre d'intérêt, une qui aime son meilleur ami (et j'ai beaucoup été pris dans cette histoire aussi, on ne peut qu'être triste pour elle). Enfin l'énigme de la soeur et de cette inconnu qui lui ressemble, beaucoup d'indices laissent penser qu'elle est la soeur quand d'autres s'y opposent. Mais au final les indices peuvent être vu dans les deux sens.

Le film se termine donc sur une histoire non commencée (du fait de la société, de la famille qui est intolérante) et du vérité que l'on ne sera jamais. Une suite était en projet, mais il semble selon certaines sources que le réalisateur préfère nous laisser imaginer, et bien je suis assez d'accord. Je ne cracherais pas sur une suite, mais je trouve cette fin tellement parfaite !

Aucun acteur est mal choisi, ils auraient tous mérité un prix pour moi !

Le scenario est bon ainsi que les acteurs (Sinjai Plengpanit est excellente!). Malheureusement, le film tombe trop souvent dans le kitsch avec les boys bands, la symbolique excessive ou des plans trop suggestifs. C'est dommage, le film pourrait être magnifique.

Ma première réaction après visionnage, c'est de me demander pourquoi ce film est si mal référencé et si peu connu. Quand je vois la fiche du film, j'ai du mal à comprendre. Il faut savoir que Love of Siam a connu un retentissement international, sans doute plus sur le continent asiatique certes, mais il n'en demeure pas moins une pierre angulaire dans ses genres et domaines.
Il semblerait qu'il ait été au moins nominé 16 fois pour 5 victoires, notamment pour ses jeux d'acteurs et son succès au box office.
Sur la forme, il faut bien avoir conscience qu'on se lance dans un film thaïlandais. Les repères seront donc différents que pour des productions plus commerciales ou occidentales. C'est d'autant plus important qu'on est vraiment dans une intention "locale" et qu'au delà des histoires racontées dans ce film, il y a un aspect "témoignage de société" relativement présent. Au vu de la qualité exceptionnelle des multiples jeux d'acteurs, on entre dans le film un peu comme dans une autre réalité, et non pas une fiction. Malgré tout, et grâce à une habileté rare au niveau de la réalisation et de la mise en scène, on se laisse progressivement emmener, au sein de ce contexte réaliste, dans les intrigues relatives aux différents protagonistes. Les performances live du groupe de musique dont fait partie Mew sont à la fois très surprenantes, pittoresques, touchantes et fort appréciables. C'est suffisamment rare dans un film pour être signalé. Déceler un côté "kitsch" pour l'aspect "boys band" me parait erroné car le contexte dans lequel on se trouve est très différent de celui que l'on connait en occident. Il serait dommage d'y trouver la même connotation péjorative car ça n'a pas grand chose à voir. Le côté "adolescent" est quand même très présent mais sans pour autant faire en sorte de ne cibler que ce public là. Ceci dit, il est vrai que dans la plupart des pays asiatiques, la promiscuité notamment peut permettre d'avoir une frontière très ténue entre les générations, ce qui en ferait un film "tous publics" là où d'autres estimeraient qu'il s'agit plutôt d'une oeuvre destinée aux jeunes. Il serait très dommage de faire la confusion.
Love of Siam est surtout un entremêlement de différents sujets et de thématiques extrêmement bien construit, une sorte de "tout cohérent" avec différents ingrédients ne s'accordant pas forcément bien ensembles, mais qui trouvent leur liant grâce à la réalisation. Ainsi, on découvre une société et des protagonistes entre misère et confort relatif, christianisme (très minoritaire dans ce pays) et bouddhisme, poids des traditions obscurantistes et tolérance/libertés/modernité ... Toutefois, aucun de ces thèmes n'est mis en opposition ou en conflit avec un autre, et c'est bien là la prouesse, grâce au naturel et à la spontanéité qui se dégage. Ce film serait presque une très belle allégorie du "vivre ensemble".
Du début à la fin, et grâce à un rendu très agréable et soigné, il y a une excellente fluidité qui nous transporte au fil de la chronologie des événements, il n'y a donc pas de quoi s'ennuyer durant les 2h30, malgré quelques scènes plus lentes et plus contemplatives, mais cela fait partie de l'identité même du cinéma asiatique en général. L'histoire prend racines dans l'enfance des deux protagonistes principaux, ce qui permet d'obtenir une très bonne charge émotionnelle qui est subtilement et justement exploitée. L'homosexualité n'est pas le sujet essentiellement mis en avant dans la forme, même si au final ça reste la thématique sur laquelle on a souhaité le plus faire réagir et progresser les sensibilités.
On ajoute à cela une dimension mystérieuse quant à la disparition de Tang et l'apparition de la mystérieuse June, intrigue parfaitement distillée, comme une sorte de fil rouge, tout au long du film, et qui permet d'appuyer certaines thématiques sérieuses de façon captivante.
Je n'ai pas grand chose à reprocher même si à la base, je ne m'attendais pas vraiment à ça. J'ai donc été très agréablement surpris. Peut-être juste un petit regret concernant la toute fin, selon l'interprétation qu'on en fait. Personnellement, j'y ai vu un face à face entre deux conceptions religieuses et sociétales, se respectant l'une l'autre de par l'acceptation réciproque du choix des chemins différents empruntés par Tong et Mew pour la suite. De façon plus incertaine, on peut éventuellement y voir l'obscurantisme chrétien face à la tolérance bouddhique.
Au final, l'oeuvre permet à chacun de se faire sa propre morale de l'histoire. Personnellement, j'ai aimé avec quel respect on a traité la thématique homosexuelle au coeur d'une société où la religion est ultra présente, mais sans jamais vouloir choquer (même si ça a été le cas lors de sa sortie) ou aller contre les valeurs morales. C'est une histoire très émouvante entre deux ados aux parcours de vie intimement liés, desquels on comprend toute l'affection qu'ils ont l'un pour l'autre.