Après l’excellente surprise Moon, Duncan Jones parvient à élargir ses horizons par la réalisation d’un film à tendance nettement plus commerciale, n’omettant toutefois pas de rester très fidèle à sa semble-t-il conception du cinéma. Source Code, distribué, lui, en salles de par le monde, retrace les pérégrinations d’un militaire étrange enfermé dans une capsule et revivant jusqu’à la résolution d’une énigme, les huit dernières minutes de la vie d’un homme avant un monstrueux attentat dans un train de banlieue dès son entrée à Chicago. Les choses sont d’abord très brouillées pour finir résolument limpide, exception faite d’un final étrangement peu réfléchi en regard aux travaux général de Duncan Jones. Bref, l’enjeu devient palpable, le personnage attachant et les deux univers dans lesquelles il gravite, aux antipodes l’une de l’autre, pleine de richesses. L’armée, les programmes expérimentaux prennent cette fois-ci la place d’une base lunaire et d’un concept écologique.
L’on reste, malgré ce retour sur terre, dans le domaine du fantastique, de la SF. Jake Gyllenhall remplace au pied levé l’étourdissant Sam Rockwell dans le rôle, là encore, d’un homme à l’identité bien mystérieuse. Dans le fond, la différence entre les deux protagonistes des films de Jones est ténue, mince. Chacun ayant un boulot à faire sans promesses d’avenir, chacun mettant l’accent sur son travail bizarre sans certitudes, sans garantie, tous deux des pions d’un niveau social supérieur et tous deux des instruments au profit de la bonne cause, l’écologie pour l’un, la sécurité national pour l’autre, chacun dans des registres totalement différents. L’on sent dès lors l’attachement du réalisateur, tout indépendant qu’il est, pour ce contexte d’identité relative, d’exploitation du cerveau humain à des fins toujours étonnantes. Source Code est donc similaire à son grand frère, dans un sens, tout en explorant bien d’autres horizons.
La machine est ici un homme pour lequel ce nouveau réveil est plein de mystère. Le concept de parachuté un héros à maintes reprises dans une séquence similaire était pour la moins casse gueule. Jones parvient cependant à éviter les pièges, donnant à son personnage la conscience de ce renouveau perpétuel lui servant chaque fois à creuser l’énigme, jusqu’à un happy end en deux temps, comme mentionné, étonnamment niais de la part d’un si génial metteur en scène et scénariste. C’est ici une nouvelle version du jour sans fin, en mieux, qui permettra à ce formidable acteur qu’est Jack Gyllenhall, décidément le réalisateur sait s’entourer, de passer par tous ses états. La peur, la rage, l’incompréhension, l’amour et la joie composent l’éventail des émotions du soldat mystérieux alors que de fil en aiguille, progressivement là encore, Duncan Jones parvient à ses fins.
S’il est un peu moins original que son précédent Moon, Source Code permet à Jones de confirmer son statut de jeune cinéaste prometteur et aux idées fourmillantes. Le risque pour lui étant maintenant soit de tomber dans le piège du Blockbuster soit de s’empêtrer dans son concept de personnalités floues, multiples. Certes, ses idées sont à deux fois lumineuses, mais la machine pourra-t-elle continuer d’impressionner? Pour ma part, j’attends avec impatience sa troisième réalisation qui verra peut-être ce nouveau génie de la Science-Fiction choisir d’autres chemins, s’ouvrir à d’autres univers tout en restant un formidable créateur de sensations pour beaucoup inédites. Un cinéaste à ne pas perdre du regard, en tous les cas. 16/20