Bien avant Jacques Deray et son « Borsalino », Maurice Tourneur décidait avec « Justin de Marseille » de s’intéresser au revers du décor marseillais et notamment aux mafias qui rongeait déjà la ville. Un sujet plutôt nouveau dans l’univers du cinéma français. Mais Tourneur, qui revenait d’un long intermède en Amérique au cours duquel il avait connu les grandes heures de la prohibition, allait pouvoir insuffler une modernité et une efficacité toute américaine à son film. Un film résolument ancré dans un certain réalisme social (les vieilles rues peuplées de marchands ambulants, les troquets pleins de matelots de passages, les bordels, les hôtels de passes miteux), qui surprend même par sa liberté de ton et par l’audace dont il fait preuve pour son époque. Si le récit - la lutte entre les gangs pour le contrôle de la ville - se fait plutôt prenant, on s’étonne cependant de la vision un peu manichéenne (et parfois limite comique) des maffieux : le clan des napolitains étant composés de vulgaires et brutaux gangsters, sans foi ni loi (on les voit voler, tuer, s’associer plus ou moins à un petit proxénète) tandis que Justin et sa bande sont presque présentés comme des bienfaiteurs, des redresseurs de torts, garants d’un certain ordre social. D’ailleurs, le personnage de Justin est présenté comme une sorte de gentil poète romantique, chanteur et guitariste à ses heures perdus et admirateurs des clairs de lune sur le vieux port, dont on ne saura finalement rien de ses activités... Voilà donc un film bien étrange, parfois inégal, mais fort agréable à regarder.