Introduction :
Danny Boyle sait tout faire, c’est un fait. De la comédie, du drame (Trainspotting ; Millions ; Slumdog millionaire…), de l’horreur (la franchise 28 x plus tard) en passant par la SF (Sunshine) et maintenant le film d’aventure. Après son toujours controversé « La plage », Danny Boyle est bel et bien un réalisateur « couteau suisse ». Le monsieur anglais a pour ainsi dire sillonné quasiment tous les genres cinématographiques avec sa petite touche, son savoir faire indéniable qui fait que l’on reconnaît son style dès les premières secondes. « 127 heures » est l’histoire d’Aron Ralston, jeune aventurier américain (forcément) qui durant un road trip dans les gorges de l’Utah se retrouve coincé, dans une crevasse et contre un rocher, durant 127 heures. Un nouveau projet, juste parfait pour Boyle, car comme un sportif de haut niveau, c’est avec des scripts toujours plus ambitieux que le réalisateur de 54 ans peut arriver à se réinventer, se surpasser grâce à sa patte unique.
« Boyle Touch » :
Unique, car en vérité, c’est comme si Aronofsky fusionnait avec Tony scott (calmé sous morphine durant la fusion, évidemment). Le premier pour son rapport à l’Homme, à sa psychologie, son corps et à sa détérioration (souffrances physique et organique) et le second pour son style visuel exubérant, pas toujours fin mais unique, lui aussi et toujours diablement efficace. Là où Boyle apporte son savoir faire, c’est dans sa mise en scène pesante, dure et violente. Mêlant image léchée, effets de mises en scènes soignés mais parfois un peu cheap, le plus souvent en DV ; c’est un peu tout ça, la « Boyle touch ». On pardonne toujours à la fin, parce-que ça claque, ça en jette mais surtout parce que l’on ressent toujours la souffrance physique et psychologique qu’il aime infliger à ses personnages, plus qu’aucun autre réalisateur de cinéma. Imaginer qu’un type comme Danny Boyle puisse s’attaquer à un tel projet laisse rêveur car le bonhomme a ici toutes une pléiades de possibilités. Déjà, pour sa mise en scène, mais aussi et surtout pour exploiter au mieux le thème de la survie. Le pari de Boyle ? Comment réussir à instaurer un rythme et varier sa mise en scène quand l’histoire raconte celle d’un type (dont toute empathie envers lui semble quasi-impossible) qui reste coincé dans une crevasse ?
L’histoire, tout le monde la connaît déjà puisque que c’est une « Extraordinary true story » ; la fin également ; alors, que reste t-il à « 127 heures » pour susciter notre attention ?
« Don’t give up Aron » :
A l’image du personnage d’Aron, remarquablement interprété par James Franco, l’introduction de « 127 heures » démarre à toute berzingue. Seulement 15 minutes pour poser l’ambiance et le train de vie mené par ces hommes décidément pas comme les autres. Dans l’esprit, Aron Ralston ressemble véritablement au regretté Christopher McCandless dont Sean Penn avait lui aussi rendu hommage avec « Into the wild ». Des personnes qui ne trouvent une manière de s’épanouir qu’aux travers de parcours toujours plus dangereux pour l’Homme, en mettant leurs mentales et leurs physiques à rudes épreuves. Des épreuves qui les aident à trouver une plénitude, certains préférant les vivres dans la solitude, laissant derrière eux femmes, familles, amis... DONC, une fois l’introduction terminée (que certains jugerons, à juste titre, quelque peu « clipesque ») et le personnage principal instauré, c’est maintenant le moment pour notre réalisateur britannique de créer une sorte de rupture. Rupture avec ses effets à outrances, ruptures avec ses split-screen qu’il adore. Désormais, place au cauchemar, le vrai, vécu et véridique d’Aron Ralston. La réalisation de Danny Boyle se retrouve donc plus posée, exploitant ainsi au maximum chaque angle qui lui est possible d’utiliser, mais toujours en adéquation avec ce que voit le personnage d’Aron dans la crevasse. Dans une telle situation, Boyle choisit de montrer par quelles étapes son personnage va devoir passer avant de prendre la décision de se « libérer ». C’est l’axe principal de « 127 heures » et c’est aussi celui qu’a choisit Aron pour réussir à trouver la force de passer à l’acte et de s’en sortir. Passant d’un être individualiste insouciant à un homme complètement désemparé, laissant place à une terrible résignation, Aron tombe peu à peu dans la folie, tout en gardant l’espoir qu’il puisse encore trouver un moyen de s’en tirer. Avertissement pour les âmes sensibles, les étapes psychologique et physique qu’Aron va devoir traverser sont toute plus difficiles les unes que les autres. Certains éléments que le vraie Ralston a subit ont été volontairement sacrifiés pour que le film puisse conserver son label « tout public avec avertissement ».
"Do not give up Aron" :
En homme parfait de la situation, Danny boyle y va tout de même Franco (facile ^^) et orchestre une savante confrontation entre Aron et la grande faucheuse. En restant toujours au plus proche de son personnage, Boyle s’amuse à nous titiller là où ça fait mal, à travers les épreuves d’Aron que nous prendrons soins de ne pas vous dévoiler. Grâce à l’utilisation de sa petite caméra visant à immortaliser les moments de son quotidien sportif qui n’intéressent que lui, Aron va se retrouver à engager avec lui-même une vraie remise en question sur sa nature et son existence, aux travers de moments clefs liés à sa petite vie. A cet instant, Boyle choisit de nous faire vivre une sorte de testament vivant ! Peut-être que certaines personnes reprocheront à « 127 heures » son côté onirique, certes quelque peu semblable à « Millions » mais en homme intelligent, Boyle n’oublie pas l’essentiel et ne s’écarte jamais vraiment de son sujet. La performance de James Franco est juste éblouissante, l’acteur passant par toutes les étapes psychologiques de son personnage. Il faut voir le visage et son expression, juste après qu’il se soit retrouvé coincé ! Littéralement tétanisant et bluffant de sincérité, Franco laisse petit à petit une grande place à l’improvisation. La prouesse est surtout qu’il arrive à varier son jeu physique dans un environnement plus que restreins, faisant irrémédiablement penser à la situation, assez similaire, de Ryan Reynolds qu’il à lui même vécu dans l’excellent Buried de Rodrigo Cortés.
Conclusion :
Danny Boyle confirme avec « 127 heures » qu’il peut VRAIMENT tout faire. La véritable prouesse du réalisateur, c’est de nous avoir fait, une fois de plus, vivre une expérience physique viscérale et psychologiquement intense. Boyle double la mise en évitant de faire le forcing afin de provoquer l’empathie chez les spectateurs pour ce qu’a vécu ce pauvre Aron. Il l’évite car il fait justement preuve d’intelligence et de justesse dans sa mise en scène. Quelques effets superflus auraient pu être évités ici et là, mais le tout reste assez bien équilibré, avec un final absolument magnifique et assez terrifiant, porté par un James Franco habité et qui mérite grandement sa nomination aux Oscars.
Le message parfaitement clair et limpide derrière le « Based on the extraordinary true story » que l’on se bouffe à toutes les sauces dans le cinéma hollywoodien prend ici un véritable sens avec « 127 heures ». Ce qui est arrivé à Aron Ralston sert indéniablement de leçon, et Danny Boyle profite de « l’occasion » pour nous donner une bonne claque dans la tronche. Une vraie leçon de vie et de survie qui viens nous rappeler que la grande faucheuse n’est jamais très loin et que le plus important, le jour où nous « tomberons », avant d’arriver au bout de ce fameux tunnel, aura été l’amour et l’attention que l’on aura porté aux êtres qui nous sont chers et qu’on laissera surement derrière soi. Leçon retenue Mr Boyle !
Par Vincent N.Van du groupe Madealone.