4sur5 De façon générale, ses grands meurtriers inspirent l'Amérique ; plus particulièrement, John Wayne Gacy, le clown-meurtrier de l'Illinois, a été la source d'un film pour la télévision, To catch a Killer/Disparitions sanglantes, et de ce film éponyme à la piètre réputation. Pure série B, ce Gacy, en collant à la réalité du personnage, est pourtant fascinant.
L'oeuvre prend la forme d'une chronique des derniers jours avant la chute (et donc la révélation à la face du Monde) du Monstre. Contenir, maquiller, esquiver l'horreur commise, c'est le lot quotidien de ce patriarche aimable et rondouillard, entrepreneur à succès à ses heures, investi dans la vie du quartier jusqu'à interpréter Pogo le clown pour les enfants. Gacy revêt ainsi une façade mainstream tendant vers la médiocrité ordinaire (c'est un beauf comme un autre) pour masquer (jusqu'à lui-même, peut-être) les dégâts engendrés par ses pulsions. Ce qui filtre : outre la puanteur suspecte de son sous-sol, un comportement parfois inapproprié et une éphébophilie latente (il joue à la lutte avec ses nouveaux employés) et, surtout, l'ampleur à laquelle, malgré ses allures et son tempérament manifestement débonnaires, John peut se fâcher.
C'est moins l'étude des mobiles d'un tueur (leitmotiv sans grande complexité du traumatisme occasionné par un père déplorant l'inertie de ''lopette'' de son adolescent reclus – cette genèse est évoquée dans une brève intro) que l'immersion dans la double-vie d'un ogre. La tension suscitée par le spectacle vient de l'imminence potentielle de la partie émergée de cette double-vie ; elle menace de surgir à tout moment et le spectateur redoute jusqu'ou elle pourra prendre l'ascendant.
La réussite tenait à un détail majeur, l'interprétation du tueur concerné. Et Mark Holton est brillant ; c'est une sorte de Divine glaçant, aux contradictions surréalistes (la scène ou il confie à un de ses amis qu'il a décimé est tétanisante). Mais surtout, cette façon de suivre le personnage sans avoir recours au moindre effet pour préférer confondre avec simplicité ses facettes, rend la vision affolante. En enlaçant dans un même mouvement les repères WASP et les effusions meurtrières, Gacy suscite un vertige esthétique et trouble durablement.