Suzanne Simonin,16 ans, cumule deux désagréments : elle est la benjamine de trois soeurs (il faut établir ses aînées, ce qui s'avère coûteux pour ses parents, pourtant bourgeois fortunés) et surtout elle est l'enfant du pêché (née de la relation adultère de sa mère avec un grand seigneur, le marquis de Croismare). Aussi le prétexte commode d'une gêne financière exagérée, conjugué avec une certaine inclination de la jouvencelle pour la religion, vont la conduire derrière la clôture d'un couvent pour un noviciat écourté : en prononçant ses voeux, elle rachète la faute de sa génitrice. Cependant, la jeune fille réalise qu'elle ne ne pourra supporter la vie monastique, se rebelle et cherche avec éclat à échapper à son destin de moniale forcée. La trame générale de l'oeuvre de Diderot est respectée (co-scénario du réalisateur), le style cinématographique est soigné (éclairages, magnifiques décors naturels, châteaux et couvents, belle et fidèle reconstitution des costumes), la mise en scène épurée, le montage précis, mais la belle enveloppe n'est pas vraiment au service d'un propos d'ampleur. Les infortunes successives de Suzanne laissent le spectateur sur la touche, et ce qui aurait dû être le tableau vigoureux et argumenté de la malheureuse condition généralement encore faite aux femmes (ici de bonne naissance) dans cette 2ème partie du 18ème siècle : mariage (de convenance presque toujours) ou couvent (souvent sans vocation) apparaît comme singulièrement tiède (jamais vu le film homonyme de Rivette, mais l'imagine plus personnel). La distribution des rôles féminins participe pour moi grandement de l'impression de travail illustratif, quasi-scolaire, sans génie, ni même vision : surtout Pauline Etienne, pas du tout à la hauteur de la figure incarnée, ânonnant ses répliques dans le rôle-titre (lamentable !), et Louise Bourgoin, peu crédible en Mère Ste-Christine, bornée et sadique (aux yeux soulignés à l'eye-liner !), Isabelle Huppert s'en tirant évidemment mieux (un autre métier que les deux premières), en abbesse de St-Eutrope, hystérique et saphique, sombrant dans la démence. Des trois "mères", seule la maternelle abbesse de Moni est incarnée avec un vrai talent par Françoise Lebrun.