Quand on regarde ce film, on n’envie vraiment pas la vie d’un ministre ; au-delà d’une journée à plus de 20h de boulot, au-delà des mains tendues, des discours de circonstance, c’est le reniement de ses propres convictions auxquelles il doit faire face, au nom de je ne sais quel idéal. Et que dire de ceux qui gravitent autour de lui : le directeur de cabinet, les conseillers et les chauffeurs. Certes, il en faut des hommes et des femmes pour conduire un pays, pour que les citoyens puissent tant mal que bien profiter des 35h, d’avantages sociaux... Voilà un film qui décrit avec justesse, il me semble, les coulisses du pouvoir avec les manigances, les petits arrangements, les reniements, les phrases assassines, les petits complots de bas étage, à travers un simple ministère des Transports. Ce n’est pas très sexy et pourtant, le réalisateur a réussi à m’intéresser avec cette privatisation éventuelle. Tout ça ramassé en trois jours. Un film énergique comme à l’image des pions politiques qui s’activent comme des particules indisciplinées. Olivier Gourmet traduit à merveille cette énergie. Son impuissance à imposer ses convictions sont confrontées par sa lâcheté de démissionner. Le pouvoir et ceux qui le fréquentent de trop près révèlent la part d’ombre de chacun. Pour assumer des hautes fonctions de l’Etat et peu importe son ministère, il faut délaisser ses idéaux, ne pas craindre de se salir les mains. On se demande s’il n’y avait pas des hommes aussi accrochés au pouvoir, s’ils devaient démissionner à chaque fois qu’un sujet les contrarie, le pays serait certainement déséquilibré. Et pourtant, le pays est en rupture constante d’équilibre et les composants de la politique jouent difficilement le rôle du balancier mais suffisamment pour que le peuple dans son ensemble continue d’avancer. Michel Blanc est remarquable de retenu. Le dernier plan est poignant avec Olivier Gourmet en avant plan, impuissant à retenir un ami qui marche dignement dans la profondeur de champ vers une sortie décidée par le Président.
Olivier Gourmet ne sera pas l’homme de la réforme, à défaut de démissionner, il accepte un autre ministère qui correspondrait à ses aspirations personnelles. S’en sortira-t-il pour autant ?
Schoeller ne nous dit pas si ce gouvernement est de gauche ou de droite, mais nous savons tous qu’un fauteuil ministériel déforme ou impose par l’évidence même des contraintes du libéralisme mondial une posture contraire à ses aspirations. La tirade de Didier Bezace est très instructive. La musique à résonance métallique est froide comme la mentalité d’un politique. Voilà un film de pouvoir réussi et très intense.