Rares sont les films qui présentent la vie politique sous un angle quasi-clinique, sans emphase ni jugement. Ici, il s'agit de la vie quotidienne d'un ministre et de son cabinet, une équipe de femmes et d'hommes soudés par un emploi du temps sans répit, une solidarité non sans causticité contre tous les autres, Matignon, l'Elysée, les autres ministres, la presse. Bien sûr il faut traiter des thèmes importants, les "réformes", mais surtout faire face à tous les événements de la vie courante, déplacements sur le terrain, réunions permanentes, contact avec les élus, la presse... Ceci remplit abondamment les journées, épuisantes, stressantes. Le film ne développe pas de compassion pour les femmes et les hommes qui par goût du pouvoir, y compris dans ses avantages dérisoires, ont choisi cette course infernale qui broient les convictions face à la nécessité constante d'être bien vu par le PR (Président de la République), de réussir ses passages obligés devant la presse et de préparer l'étape suivante, l'inévitable fief local où les grands ambitions trouvent leur terreau nourricier. Pas de jugement hâtif non plus car ces gens restent humains, fragiles, et composent leur personnage public sur les fragment éclatés de leur personnage privé. Mais le jeu incessant et plein de pièges de la politique les coupe totalement de la société qui les entoure, sauf quand les événements brutaux rappelent les réalités de la vie. Le personnage du chauffeur fait le lien entre ces deux mondes, mais en reste sans voix...
Le film au rythme intense épouse avec une précision méticuleuse la vie de ces acteurs du théâtre politique. Il est didactique, juste comme le jeu des acteurs - Olivier Gourmet et Michel Blanc sont excellents-, sans fausse note. On en ressort un peu désespéré devant l'impuissance de ces gens intelligents et compétents face à ce jeu complexe et finalement vain qu'on appelle "la politique". Il n'y a pas de thèse dans ce témoignage, une illustration sans concession qui n'ouvre aucune porte de sortie. Est-ce que "du sang neuf" est envisageable ? La film ne laisse guère de place pour y rêver.