Une carrière politique ascendante, les compromissions entre les idéaux et la dure réalité du terrain, le rôle des communicants et des spins-doctors : deux films abordaient de front le monde politique cette semaine. Cet Exercice de l’état, donc, petit film français discret et Les marches du Pouvoir de Georges Clooney, gros film américain à casting clinquant et revenant du festival de Venise. La comparaison est inévitable et elle n’est – ô surprise- pas à l’avantage du VRP de café en capsules. Là où Clonney était pataud, clicheteux, ennuyeux et sans envergure, ce film est incroyablement fin, précis, passionnant et plein de surprises
Dès la première scène onirique, le réalisateur combine avec une habileté diabolique son cocktail, entre prise forte sur le réel, et ce qui semble parfois n’être qu’un grand cauchemar à rallonge, manière de souligner l’artificialité et l’éloignement de ces vies, bien loin de toute forme de réalité quotidienne.
Un des grands mérites du film, c’est son refus du simplisme. Aucun de ses hommes politiques n’est un salaud fini, chacun semble se battre à la fois pour sa place, mais aussi parfois pour ce qu’il croit. Plutôt que de tous les jeter dans le même sac, Pierre Scholeller décortique, analyse les jeux de pouvoirs, les relations de Palais, le rôle de spin doctors, ces hauts fonctionnaires qui changent de champions et de ministères. Le réalisateur ne condamne pas, il questionne, observe, intègre les cercles de décision. C’est rafraichissant, stimulant, et porté avec toute la finesse et la hargne nécessaire par Olivier Gourmet et Michel Blanc.
Car la compromission est ici finement amenée, progressive, presque implacable. Doucement, l’étau se resserre autour d’un ministre qui va devoir petit à petit prendre sur lui malgré ses éclats ou ses coups de gueule. On apprécie la précision du montage dans la reconstitution de journées marathon, pendant lesquelles on voit passer des images qui ne sont que trop familières. Monsieur le ministre sur les lieux du drame. Monsieur le Ministre fait ses communiqués. Monsieur le Ministre attend l’arbitrage de Matignon après s’être écorché avec son collègue du budget par radio interposée.
Ce jeu d’acteur qui se transforme en jeu de massacre nous amène presque dans le polar, voire dans le film fantastique. Chaque fois que le ministre « sort », c’est l’occasion d’une scène incroyable, inattendue, que ce soit sur cette autoroute déserte, ce dramatique accident de car dans la neige ou encore cette mémorable cuite dans la caravane de son chauffeur.
Un film admirable, intelligent, percutant et brillant. Une vraie fierté nationale.