« ...L'État est une vieille gaudasse qui prend l'eau.»
Tout comme le réalisateur de ce superbe film, j'introdui brusquement dès le premier instant, une image écrite très irréaliste de la situation de ce film. Pierre Schoeller l'explique dans un de ces propos de la section bonus du DVD édité par Diaphana Edition Vidéo : d'après lui, le spectacteur français d'aujourd'hui (le film est sortit en salle courant 2011) a besoin de se laver l'esprit suffisamment pour pouvoir assimiler le film à sa juste valeur. C'est, à mon sens, complètement le cas : le film de Pierre Schoeller est si dense, si riche de messages, que même avec une forte disponibilité et un environnement propice au visionnage, il est relativement impossible d'analyser tout, lors d'1 seul premier visionnage.
L'oeuvre est réalisée de main de maestros. Au préalabale, très soigneusement écrit, le récit de cette fiction politique française, est interprété par d'une part, de 3 voire 4 acteurs professionnels du Cinéma dotés d'une aisance majestueuse ; d'autre part, par plusieurs acteurs non-professionnels pourtant ô combien talenteux. Voici, là aussi, un des messages fondamentaux transmis par Pierre Schoeller : les membres du gouvernement ne peuvent être, ni faire, sans le peuple, liés plus ou moins directement à eux.
Le film offre aussi une rythmique visuelle classieuse, soutenue par la musique chorégraphiée de Philippe Schoeller, accompagnant l'image de Pierre S. mais sans ne jamais lui marcher dessus ; un peu comme une assistante sonore, au service du visuel. L'identité musicale est aussi loin d'être hors-de-propos : c'est une musique électronique, crée uniquement pour. Pas une musique invitant à la danse comme c'est le cas en soirée, non ; c'est une musique majoritairement sombre, inquiétante, néo-classique, tout comme ce qu'offre l'imagerie du film : un propos électrique, voire éléctrisé (venant des acteurs) puis électrisant (reçue par les spectacteurs), en quelques sortes, si je peux me permettre la symbolique.
Structuré et très bien construit, le récit est aussi fortement instable, à l'image du gouvernement politique en 2011. Et c'est visuellement tant mieux, puisque cela provoque davantage d'intérêt au spectateur, lors, par exemple d'une des scènes les plus fortes, celle de l'accident montée "Hicthcockiennement" avec une maîtrise remarquable, pimentée subtilement comme par exemple la joue gauche du ministre balafrée de sang, rappellant à du Cinéma d'action "à la Rambo". Le film fait aussi bien tout autre chose, comme une de ces scènes finales lors des funérailles, faisant un arrêt brusque (la scène suit de quelques minutes celle de l'hospitalisation) ralentissant subitement le rythme, son battement-par-minute. Un peu comme si cela sortait des mains d'un maître de musique classique. De surcroît, profitant de ce point d'arrêt, cette pause, pour réfléchir, et penser à haute voix de ses propres fragments sensoriels de l'acteur principal, à l'intérieur d'une église tout de même ! puis redémarrer, par un nouvel objectif juste après avoir tiré déjà un trait (l'objectif de trôner sur la cuvette des toilettes... peut-être ?).
Mais l'écriture du propos - je disais donc en amont - est méticuleusement soigné. Permettant ainsi de regarder ce film, qui est un film resolument neutre, ne dénonçant jamais la moindre chose ou personne. Et dans un film politique, fallait-il y parvenir d'une si belle manière ! Il en serait presque même porte ouverte au partage, entraînant le spectateur dans une folle-furieuse compassion qui tourbillonne tellement qu'il n'est pas possible d'en échapper et de crier au scandale en montrant du doigt un tel ou un tel, lors du générique de fin. Venant d'un film français, fait en 2011, quelle prouesse !
Je rappelle que pour prendre suffisamment connaissance, que toutes les choses disponibles pour appréhender cette très superbe oeuvre de Cinéma française realtivement actuelle, il est important de garder à l'esprit qu'il faut être disponible suffisamment et être dénué de corruption sociale actuelle. Ce film abonde d'intentions, et aurait dû être à la une de toutes les têtes d'affiche des cinémas français lors de sa sortie.