Aujourd’hui, le cinéma indépendant américain s’est transformé en une machine à gagner des prix dans les festivals où même les stars s’essaient. Il n’y a pas moins de qualités, loin de là, mais moins de candeur, de sincérité.
SLC Punk !, en revanche, a pour lui une sincérité à toute épreuve, tant le sujet du film est autobiographique. Rarement le cri de colère et la demande de reconnaissance en tant que telle d’une génération, d’une communauté aura été cohérent de bout en bout et d’une force qui parvient à trouver la justesse et la distanciation nécessaire pour être passionnant du début à la fin. Pour faire exister son sujet, le réalisateur s’accroche à un personnage, le très charismatique Stevo, interprété par l’immense Matthew Lillard. Ce dernier parle directement à l’audience, brisant allègrement le quatrième mur, jouant avec la temporalité comme il le sent, quitte à présenter les différents personnages directement au spectateur.
Pour ce faire, il lui fallait donc un acteur comme Lillard (qui y trouve le rôle de sa vie) et un entourage à la hauteur du personnage principal : il le trouve dans le rookie Jason Segel, chez leur ami allemand et étrange Til Schweiger, chez la conquête de Lillard, Summer Phoenix et surtout dans le rôle toujours surprenant, jamais où on l’attend, de son père, joué par le génial Christopher McDonald. Si on s’attarde un peu sur ce dernier, on peut y voir LA réussite du film : en effet, provoqué sans cesse par ce trublion de Stevo, jamais il ne répond comme un personnage de film, jamais il n’est attristé et ne fait de drame. Il comprend son fils, il s’en moque, presque. On notera la scène du restaurant, courte mais très importante car très révélatrice.
James Merendino aurait pu garder ce ton irrévérencieux tout le film, ce qui aurait sans doute fait perdre un peu de force à l’œuvre. Alors il devient très nuancé, avec le personnage de Devon Sawa, d’abord montré comme un ressort comique avant d’être le vrai tournant du film, le moment où Stevo change de mentalité et, sans renoncer totalement à ses idéaux, il s’insère dans la société et peut vivre pleinement sa passion sans mettre sa vie en l’air. Le film a ceci d’éblouissant qu’il ne juge jamais personne totalement. Il constate, il raconte, il crie son envie de reconnaissance, mais jamais sa haine totale du système, car il est conscient que le chaos n’engendre rien de bien durable.
SLC Punk ! est un de ces films exceptionnels, qui devraient être bien plus connus. Il est juste le témoin d’une communauté qui tente de vivre sa vie, non pas en marge mais avec la société US. C’est un chef d’œuvre pur et simple. Indispensable.