Trust commence comme un teen-movie estampillé Disney. Annie, 14 ans va au collège, vient de remporter les sélections de volley, et vit dans une famille « middle class » américaine tout ce qu’il y a de plus classique. Ses parents s’aiment, son grand frère fait craquer les filles les plus âgées du lycée et lui assure ainsi de rentrer dans le club fermé des filles populaires. Annie est amoureuse de Charlie, avec qui elle ne cesse de converser par sms ou via des chats. Le spectateur est d’ailleurs complice des messages qu’ils s’envoient, ceux-ci apparaissant à l’écran, comme dans LOL. Ainsi, petit à petit, il va devenir le témoin impuissant du piège qui se referme sur l’adolescente.
Après Hideo Nakata en 2010 avec l’excellent Chatroom, c’est à David Schwimmer (le Ross de Friends pour ceux qui l’auraient oublié) de sonder les méandres noirs des chats sur internet, et plus particulièrement ici ceux de la pédophilie et du viol modernes. Il opte cependant pour un style très différent. Là où Nakata privilégiait une hyperstylisation (qui ne desservait cependant absolument pas son propos), Schwimmer choisit une mise en scène très classique et réaliste. Mais son parti-pris est plutôt efficace. En filmant Trust comme n’importe quel teen-movie ou encore série américaine, il l’inscrit dans une banalité qui fait froid dans le dos. Personne n’est à l’abri, même pas la gentille famille hollywoodienne. Autre différence, Nakata explorait le pourquoi du comment, s’intéressait aux mécanismes de la manipulation. Schwimmer l’évoque, mais cela ne prend qu’une petite place dans le film. Il lui préfère « l’après », ou comment ce crime va faire voler en éclat l’équilibre familial, entre une fille toujours aveuglée par son amour, et un père qui le devient de plus en plus par la colère qu’il ne peut contenir.
Par le réalisme de ses situations et par la finesse d’écriture de ses personnages, interprétés par des comédiens irréprochables, Trust bouleverse, dérange, prend aux tripes, pour faire petit à petit sombrer le spectateur, aux confins de l’horreur, jusque dans son final, effrayant. S’il dénonce parfois (problème de la sécurité sur internet bien entendu, mais aussi fichage des délinquants sexuels américains laissé à la porté de tous…), Trust ne juge jamais, mais cherche surtout à bousculer le spectateur et à lui ouvrir les yeux, à grands coups de « C’est vrai et ça n’arrive pas qu’aux autres ».
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