Il fallait bien que quelqu'un le fasse un jour, ce film. Celui où l'on nous montrerait une adolescente naïve tomber dans le piège d'un pédophile cybernétique. Et s'il convient de saluer l'effort du réalisateur et ses intentions de sensibiliser un large public sur ce sujet, il convient aussi de remettre en cause de nombreux points qui dérangent.
Le long-métrage est divisé en deux parties, dont la séquence du viol en marque la séparation. Oui : La jeune fille se fait violer. Ce n'est pas une surprise. Nous le savons tous avant d'aller voir le film, et c'est même pour ça que nous allons le voir. Pour savoir comment ça s'est passé, quelles en sont les conséquences sur les personnages, et le message qu'il y a à en tirer. Mais il est difficile de se sentir inclut dans l'histoire et concerné par les évènements quand on se rend compte de la pauvreté du casting. Je ne parle pas bien entendu de Liana Liberato, qui a réalisé un travail formidable ; mais de ceux qui interprètent ses parents : Clive Owen et Katherine Keener. Constater leurs réactions qui sont en décalage avec ce qu'elles devraient être et qui n'apparaissent presque jamais crédibles, ça nous pousse à nous pencher sur ces défauts et à nous faire oublier le reste. À partir du moment où un tel sujet perd en crédibilité, par la faiblesse de ses interprètes et le manque de profondeur du scénario, il n'y a plus grand chose à en tirer.
Pourtant le film ne part pas sur de mauvaises bases, montrer l'insouciance collective face à un tel phénomène, montrer le vice qui ronge notre société et dont on semble s'accommoder (avec notamment le collègue du père), ce sont des points intéressants. Mais y puiser des visages clichés et des messages basiques n'est en rien utile. Car n'ayons pas peur de le dire, Trust remporte haut-la-main le titre du film le plus cliché du début d'année. Entre des hommes qui sont montrés comme des personnages sans coeur et inutiles et des femmes qui sont louées comme compréhensives et humaines, on se demande où se trouve le juste milieu et la recherche de réalisme, de profondeur. Chaque personnage reste à une place qui lui est bien déterminée dès son apparition, et qui représente tout ce que les clichés de la société peuvent laisser penser. Et ces portraits se poursuivent jusqu'aux dernières secondes du film et à cette pseudo-révélation. Qu'on montre des réalisateurs pédophiles, là ça aurait eu un impact, si l'on veut dire : Ce sont des gens "comme" nous. Mais non, on nous montre encore une fois le cliché de base.
Manque d'inventivité à la réalisation, dans la mise en scène, dans le scénario (qui alterne quelques scènes réussies et d'autres d'une pauvreté affligeante) ; et complaisance dans un message lisse et moralisateur, qui ne dérange jamais.
Comment peut-on remettre des piliers de notre société en cause, des fondements du système familial, institutionnels etc. sans choquer un minimum ? Sans laisser une boule dans le ventre à chaque spectateur ? Alors je comprends le désir de Shwimmer de rester pudique pour protéger son actrice, mais à quel prix ? Si le contexte qui réside autour serait puissant, réaliste et troublant, on pourrait comprendre le souhait de ne pas choquer par les images mais par le message. (cf Funny Games). Mais quand le contexte n'aurait peut-être pu gagner en ampleur qu'uniquement grâce aux images, on peut regretter le manque d'audace.
Le film termine sur une bonne note, avec une scène qui parait enfin vraie et puissante, mais qui tombe à l'eau à cause du générique qui suit, et qui nous rappelle à quel point Trust patauge dans une marre de clichés à nous en refiler des nausées.
Finalement, la seule chose qui marche à peu près, c'est le fait de nous montrer que les victimes se condamnent elles-mêmes en acceptant ce système d'échanges d'informations et ce manque d'intimité grandissant au sein de notre société. Il se repose aussi sur la justesse de son actrice principale (qu'importe ce qu'en dit l'affiche du film). Hormis cela, il n'apporte rien, tant cinématographiquement que moralement.