Vous vous demandiez pourquoi le réalisateur du premier "Paranormal Activity" avait disparu de la circulation après avoir braqué le box-office mondial en 2009 ? La réponse tient en un titre : "Area 51"!
Tourné en 2009 mais sorti en 2015 (et découvert par l'auteur de ces lignes en 2019), le second long-métrage d'Oren Peli est tout simplement un des found footages les plus abominables jamais produits et condense à lui tous seul l'ensemble des défauts qui ont ligué -à juste titre sur ce coup- une partie du public contre ce procédé filmique.
Un beau jour, Reid se met apparemment à léviter au milieu des arbres lors d'une fête sans que ça ne choque personne. Plus tard, deux amis à sa recherche le croisent de nuit, hagard, au milieu d'une route avec, semble-t-il, aucun souvenir de ce qui l'a poussé à agir aussi bizarrement.
Trois mois après, Reid est devenu logiquement obsédé par l'idée de se rendre sur la fameuse Zone 51 (oui, oui, lo-gi-que-ment qu'on vous dit). Avec ses deux potes, ils élaborent un plan parfait pour aller vérifier par eux-mêmes les rumeurs de présence alien dans la base militaire et prennent donc la route vers le Nevada.
Les trois amis disparaîtront à la suite de ce mystérieux voyage mais, malheureusement pour nous, un gugusse est parvenu à mettre la main sur la vidéo de leurs exploits et a fait le choix cruel de nous la diffuser...
Si vous êtes déjà par essence réfractaire au found footage, passez directement votre chemin, "Area 51" ne fera absolument rien pour vous réconcilier avec le procédé (il empirera sûrement votre détestation) et même la curiosité que peut éventuellement susciter le sujet extraterrestre ne sera pas récompensée. Pour les autres toujours à l'affût d'une des rares bonnes surprises que la caméra tremblante à la première personne peut proposer (j'en suis), force est de constater qu'Oren Peli nous a aussi réservé un bien beau calvaire sur tous les plans possibles.
Dans le fond, la recette du found footage n'est pas si compliquée : une idée de mythologie suffisamment forte pour faire marcher l'imagination, un vague rapport la reliant au(x) héros, de l'anodin pour nous attacher aux personnages, une montée en puissance des événements, l'explosion finale et une fin se résumant souvent à une caméra tombée à terre.
Ici, "Area 51" a un gros point fort : sa thématique alien forcément attractive et sujette à tous les fantasmes possibles, surtout en ce qui concerne la fameuse base au coeur du film. Mais le film va déjà démarrer n'importe comment en tentant de relier son personnage principal à un phénomène extraterrestre dont on ne comprendra absolument rien et qui ne sera là que pour justifier sa lubie de s'introduire dans la Zone 51 sans autre explication (des visions seront à peine évoquées), ce ne sera hélas qu'une des prémices de la catastrophe scénaristique à venir...
Pour la présentation du quotidien banal des personnages, là, par contre, "Area 51" fait assez fort et s'attache bien trop longuement à tout ce qui précède l'opération. Les trois amis sont résumés à un seul trait de caractère chacun (le héros jusqu'au-boutiste, le suiveur et le dégonflé rationnel), leur virée en voiture est un bavardage incessant et répétitif, l'explication autour des modalités de l'infiltration jugée impossible tente de faire illusion (si c'est si simple, tout le monde pourrait si rendre, non ?) et l'ajout d'une jeune fille au trio peinera à vraiment se justifier à part le fait qu'il fallait mêler un personnage féminin à toute cette affaire. En fait, le film continue de jouer sur l'aura alien pour entretenir le mystère avec des interviews des locaux racontant n'importe quoi à propos de rencontres du troisième type et des intervenants aidant le trio de héros dans l'avancée de leur opération. Mais déjà, à ce moment, ce brouillard forcément intriguant de prime abord commence à se lever devant la futilité des conversations qui s'éternisent avant un plat de résistance se faisant bien trop désirer. Peut-être un peu conscient de cela, Oren Peli réoriente (et temporise) souvent le récit vers un côté plus paranoïaque où le but des héros se résume à ne pas se faire découvrir par des forces militaires obscures. Pour cela, il osera même un passage à suspense dépassant toute notion de crédibilité où les personnages s'infiltrent dans le domicile d'un membre de la base pour lui dérober tranquillement son accréditation en gambadant dans la chambre familiale. Cette voie va évidemment se poursuivre une fois dans le passage le plus attendu du film : la visite de la Zone 51...
Préparez-vous à vomir votre déception par les trous de nez car ce qui aurait dû être le feu d'artifice du long-métrage pouvant potentiellement faire pardonner les errements qui l'ont précédé va être en fait encore pire que tout le reste ! La dernière partie se découpe en deux temps. Dans un premier, le film poursuit sa phase infiltration avec une base 51 dont la haute sécurité fait plus ricaner qu'autre chose tant les personnages s'y balladent comme dans un moulin entre deux soldats et un agent d'entretien rencontrés. Un petit suspense se crée au début sur leur probable découverte mais, au bout du 456ème escalier descendu (la Zone 51 va jusqu'au centre de la Terre apparemment), il devient vraiment dur de s'inquiéter pour notre petit groupe, d'autant plus qu'à part un labo aux objets bizarres, la base empile les décors de sous-sols complètement lambdas d'une vieille usine. Puis, dans un deuxième temps, le film se lâche complètement en montrant tout ce qu'on était en droit d'attendre d'une visite dans la Zone 51 mais, une fois de plus, il le fait avec un non-sens qui frise l'absurde.
De plus "Area 51" se montre généreux côté SF, de plus le film perd tous ses enjeux (déjà pas des plus fous) en ne racontant plus grand chose de pertinent.
Tout est pourtant là mais Oren Peli n'assemble rien et balance des éléments à l'écran qui n'ont aucun rapport entre eux ou dans leur agencement. Le pompon sera bien sûr atteint lors des dernières minutes où absolument plus rien n'a de sens comparé à tout ce qui nous a été dévoilé auparavant. Et, bien entendu, au terme d'une ultime séquence ridicule, la caméra s'arrêtera abruptement, nous laissant bouche bée devant le grotesque de la totalité de l'entreprise.
Le fond rance de la soupière des found footages, voilà ce que nous a réservé Oren Peli comme plausible chant du cygne de sa carrière de cinéaste ! Espérons désormais qu'une race extraterrestre l'ait emporté à des millions d'années-lumière d'une caméra...