Avec Horns, adapté du roman éponyme de Joe Hill, Alexandre Aja était à deux doigts de réaliser le film fantastique de l’année. À deux doigts seulement. Malgré une réalisation impeccable et des pistes scénaristiques diablement intéressantes, le dernier film du réalisateur du remake réussi de La colline a des yeux et du très marrant Piranha 3D peine à convaincre faute à un montage qui révèle très tôt l’intrigue. Dommage, on espérait tellement plus de la rencontre entre le fils Arcady et le fils King…
Ignatius Perrish (Daniel Radcliffe), accusé du viol et du meurtre de sa petit-amie Merrin (Juno Temple) évite l’emprisonnement préventif grâce à son ami avocat Lee (Max Minghella). Profitant de sa liberté temporaire et dans l’attente de son procès, il mène l’enquête. Les suspects sont nombreux en commençant par son frère Terry (Joe Anderson) ou son amie Glenna (Kelli Garner). Ami d’enfance, le shérif du conté, Eric (Michael Adamthwaite), lui colle aux basques.
Horns part tout simplement d’une idée géniale. Ignatius Perrish est livré à la vindicte populaire. Tous les bien-pensants culs-bénits de sa petite ville manifestent devant chez lui en réclamant sa mort. Excédé, Ignatius en vient à souhaitez à voix haute, en provocation envers les journalistes, l’aide du diable puisqu’il renie Dieu qui a laissé mourir sa bien-aimée. Il ne s’attend pas à être exaucé mais pourtant des cornes commencent rapidement à lui-poussé. Horns reprend l’imagerie de Lucifer portée par un pan de la littérature fantastique, c’est-à-dire une vision reprenant la stricte étymologie du nom, le porteur de lumière. Ainsi, le démon qui s’empare d’Ignatius ne le fais pas sombrer dans la folie. D’une part, il ouvre le cœur des autres qui se confient spontanément sur leurs secrets les plus puissamment enfouis. D’autre part, il permet à Ignatius, sans abandonner son humanité, de se délester du poids de certaines culpabilités. En somme, les cornes d’Ignatius révèlent aux grands jours les ambitions humaines. Dans un premier temps effrayé par les confidences de ses rencontres, Ignatius prend conscience que les cornes agissent comme un puissant sérum de vérité. En enquêtant, il entendra aussi certaines choses dont il se serait passé comme le ressentis de ses parents. Toutefois, il est le seul à se souvenir de ses conversations. Comme si la part sombre de l’être humain devait le rester. La plupart des confidences versent immédiatement dans le stupre et la luxure au risque de choquer quelques âmes sensibles dans la salle. Malgré tout, derrière cette apparente vulgarité, Ignatius permet à certains d’assumer enfin ce qu’ils sont.
Une enquête policière mené par le diable lui-même et une histoire d’amour, le tout saupoudré de fantastique, baignant dans les thèses les plus provocatrices et les plus folles, auraient dû assurer un film à la fois exaltant et cathartique. À la vision de la bande-annonce, on s’attendait à une apothéose nihiliste, un grand n’importe quoi digne de la fin de La cabane dans les bois de Drew Goddard ou profondément pessimiste tel L’associé du diable de Taylord Hackford. À la vision du long-métrage, on sent l’intention mais on peut chercher longtemps les sensations qu’évoquent ces deux-titres dans nos mémoires cinéphiles. La faute à un montage déconcertant, pour la première fois, on en viendrait à demander une version du réalisateur rente ou quarante minutes moins longues. L’aspect dramatique du film est totalement anéanti par une aberration scénaristique. Au bout de quinze minutes seulement, un long retour en arrière nous ramène dans l’enfance des principaux protagonistes. Celui semble avoir deux but. Le premier, louable, est de vouloir ancrer l’amour profond qui anime Ignatius et Merrin. Malgré tout, c’est une sacré mauvaise idée. On n’a absolument pas besoin qu’on nous explicite leur amour, pire il perd en force avec ce procédé. Le spectateur est tout à fait prêt à croire à un amour pure et intemporelle juste parce que le héros l’affirme. Vouloir l’expliciter davantage, c’est le faire passer du statut de légende à celui d’amour d’enfance… Ensuite, le second but est de donner des clés de compréhensions des rapports de ces adultes qui ont vécus leurs enfance ensemble. Seulement, ce « flash-back » donne toutes les clés, absolument toute, pour comprendre qui est l’assassin et ses motifs. Au bout de quinze minutes. Vraiment. Cette erreur impardonnable gâche tout le plaisir et le suspens qui doivent prévaloir dans un thriller, fût-il fantastique.
Dans les tout derniers instants déjantés du film, Alexandre Aja fait parler l’hémoglobine, c’est une honorable intention de « fan service ». Toutefois, cela ne réussit pas à sauver le film dont l’intrigue a été tué dans l’œuf et dont le côté fun ne renaît que périodiquement au cours de rares scènes réellement entraînantes. Horns est un rendez-vous manqué. D’autant plus qu’aucun comédien ne démérite. Comme nous l’avons dis plus haut, le même film remonter en excluant les « flash-back » aurait fait l’effet d’un coup de poing lancé vers les cieux.
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