Si Emma Watson peut se vanter d’avoir un début de carrière bien loin du rôle d’Hermione Granger, qui balance entre grands réalisateurs (Darren Aronofsky, Sofia Coppola), films indépendants (Le Monde de Charlie) et délires à tout-va (C’est la fin), Daniel Radcliffe n’a pas encore eu cette opportunité, n’ayant pour le moment qu’un film de genre (La dame en noir) et quelques longs-métrages de secondes zones (direct to video) à son actif. Horns est donc pour lui l’occasion de faire ses preuves autre que dans la peau d’Harry Potter : un film réalisé par Alexandre Aja (La colline a des yeux, Mirrors, Piranha 3D), adapté d’un roman de Joe Hill (fils de Stephen King) pour un rôle à contre-emploi… Voilà de quoi booster le jeune comédien !
Surtout que pour ce long-métrage, Radcliffe va devoir flirter entre deux genres totalement différents : le romantisme rose bonbon digne d’un conte de fée et la grosse blague démoniaque à la limite de la comédie horrifique. D’un côté nous avons notre héros qui recherche l’assassin de sa bien-aimée (en supposant qu’il soit lui-même innocent) et qui, grâce à ses cornes fraîchement apparues, va obtenir des réponses auprès des gens, qui vont avoir un comportement des plus dérangeants à sa présence : libido en hausse, vulgarité et violence dévoilées au grand jour, penchant pour le péché et le meurtre… Offrant du coup au film des moments véritablement délirants, à mourir de rire (
la salle d’attente du docteur, la bataille de journalistes
…), par le biais d’un humour noir bien dosé. Le tout servi par une ambiance à la fois sombre et rock’n’roll. Et de l’autre, nous avons des flashes-back qui reviennent sur l’idylle de notre personnage. Des passages qui semblent sortir tout droit d’une histoire de princesse, avec ses fleurs, ses papillons et ses oiseaux qui chantent. Deux univers contradictoires qui, pourtant, se côtoient à merveille, permettant à Daniel Radcliffe divers jeux : un coup le garçon romantique et qui fait l’amour comme au cinéma (paradoxe !), de l’autre un mec dépressif et alcoolique qui prend son pied en jouant les méchants. L’acteur se délecte de son rôle avec malice, et nous également !
Il faut dire qu’Alexandre Aja étonne avec Horns. N’ayant pas lu le livre (et désormais, j’en ai bien envie !), je juge l’histoire qu’à partir du film. Et je peux dire que celle-ci tient diablement en haleine (sans mauvais jeu de mot). Horns est à la fois un film romantique poignant et touchant, un thriller horrifique véritablement palpitant (les retournements de situation sont garantis !) et une comédie noire efficace. De quoi satisfaire n’importe quel spectateur, surtout les réticents qui s’attendaient, comme moi, à avoir une nouvelle romance pour adolescents à la Twilight. Horns n’a rien de cela. Il s’agit d’un film certes hollywoodiens, mais qui sait titiller notre attention tout en nous amusant et en faisant vibrer notre corde sensible. Avec un certain savoir-faire de la part d’Alexandre Aja (somptueux jeux de lumières, une mise en scène au petits oignons…) et des comédiens qui s’en sortent très bien (Radcliffe encore une fois, mais aussi Juno Temple, Heather Graham…). Tout ce qu’il faut pour passer un agréable moment !
Il est tout de même dommage que le film ne soit pas sans défauts, et pas des moindres. Des ombres au tableau qui empêchent Horns de se hisser comme l’un des films les plus marquants de cet automne 2014. À commencer par le rythme, jamais soutenu, notamment à cause des flashes-back qui trainent bien souvent en longueur, prenant le pas sur les passages délirants du long-métrage. De ce fait, lesdits passages sont moins nombreux que prévus, et font d’Horns un film pas si rock’n roll que cela (la BO se montre même assez maladroite, utilisée bizarrement). Un délire finalement un peu trop sage qui aurait mérité de décoller un peu plus souvent au lieu de perdre son temps à nous montrer une romance alors que quelques minutes auraient suffi. Pour nous amener à un dénouement qui s’étire sans réelle raison (plusieurs fois j’ai cru voir démarrer le générique alors que le film n’était pas encore terminé) et qui débouche sur un passage expédié à la va-vite, bourré d’invraisemblances (
des personnages qui apparaissent comme ça, mine de rien
) et gratuit au possible (effets spéciaux à gogo,
transformation en diable, décapitation au fusil…
). Un moment assez grotesque dont se serait bien passé le film et qui l’amène à la frontière du grand n’importe quoi. Abusant même du symbolisme Paradis/Enfer/anges/démons dont le film user jusque là à dose acceptable.
Un constat qui confirme le statut de film maladroit, bien qu’il atteigne tout de même son objectif, à savoir faire passer un bon moment. S’il aurait pu être mieux que ce que nous livre le réalisateur, ne boudons pas notre plaisir de nous amuser avec un bon divertissement qui piétine, et de loin, les teen movies à la Twilight et autre Numéro Quatre. Et puis, voir Daniel Radcliffe faire autre chose que du Harry Potter, ça n’a pas de prix ! Surtout s’il s’éclate en jouant les bad boys diaboliques !