Le nouveau bébé de Mr. Alexandre Aja, réalisateur français ambitieux, s’appelle « Horns ». Il ne s’agit pas d’une création originale, puisque le film est adapté d’un roman de Joe Hill. Fils de deux romanciers dont l’un est l’un des rois du roman noir, l’écrivain a concocté une histoire géniale : Ig se réveille avec une gueule de bois. Il est accusé d’avoir sauvagement tué sa petite amie. Comme si cela ne lui suffisait pas, voilà que des cornes lui poussent sur la tête ! Les deux nouvelles venues entraînent chez les proches d’Ig d’étranges réactions. Le jeune homme compte bien en profiter pour lever le voile sur le meurtre de la femme qu’il aime. Ce qui ressort de ce n’importe quoi total qu’est « Horns », c’est que rarement les genres de cinéma dit classiques auront été aussi mélangés. À qui conseiller ce film ? Aux amateurs de films policiers ? Aux amateurs d’humour gras ? Aux amateurs de fantastique ? Aux amateurs de drames ? Aux amateurs de films d’horreur ? « Horns » serait à conseiller à n’importe qui n’étant pas rebuté par la mixité au cinéma. Pour le spectateur qui ne se retrouve jamais en terrain connu, l’expérience s’avère troublante. Doit-on rire de l’attitude de Glenna lorsqu’elle découvre les cornes d’Ig ou en pleurer ? Doit-on percevoir le film comme une comédie grasse avec des évènements gentiment horrifiques ou comme un film d’horreur avec un humour bien lourd ? Pas facile de sortir des cases préétablies auxquelles Hollywood nous a habitués. Rien que pour cela, « Horns » mérite des compliments, même s’il est parfois difficile de s’y retrouver. On passe en effet très rapidement des scènes délirantes (
les aveux des flics homosexuels, la bataille de journalistes, la visite au médecin du patelin...
) aux passages comprenant des enjeux dramatiques. Les bons sentiments font souvent oublier l’ambiance humoristique instaurée. Au gré des différents flash-backs, destinés à nous faire ressentir de l’empathie envers le héros, on assiste à des scènes poussives par rapport au ton de l’œuvre :
la rencontre des deux futurs amants ainsi que leurs premiers émois ne dégagent rien d’exceptionnel
. Pendant ce temps, Ig poursuit sa recherche de l’assassin. Alors que les deux premiers tiers du film alternent correctement entre des tons opposés, le dernier tiers bascule complètement dans le drame et l’horreur. Aja s’emballe et en fait trop.
Les cornes et les symboliques diaboliques ne lui suffisent plus, il lui faut le diable en personne. Les morsures de serpent et les violences psychologiques ne lui suffisent plus, il lui faut des têtes qui explosent (c’est à ce moment qu’un couple a abandonné tout espoir et est sorti de la salle) et des serpents qui pénètrent le corps de Max Minghella par sa blessure béante (c’est à ce moment-là que j’ai été incapable de garder les yeux sur l’écran)
. Toutes les rares subtilités précédemment établies, avec succès il faut le dire, volent en éclat. Là où « Horns » brillait, c’est par son utilisation détournée des codes satanistes sans jamais confirmer qu’Ig est le diable.
Sauf qu’Aja finit par le dire, et l’afficher avec de mauvais CGI
. Il n’y a alors plus aucune subtilité, ni dans l’attitude de
Lee
, ni dans le mélange d’humanité et de diabolisme du principal protagoniste. Concernant le dénouement, par fainéantise ou par pur désir de simplement entretenir le mystère, aucune explication ne sera clairement donnée par rapport à l’apparition des cornes.
Même si dans la boîte contenant la dernière lettre de Merrin on peut apercevoir une image du diable et un cercle d’incantation
, rien n’est dit ; le mystère reste entier. Heureusement qu’il reste encore des éléments qui posent question puisque côté suspense, « Horns » ne brille jamais. L’identité du tueur, l’explication du pourquoi Lee ne voit pas les cornes entre autres, peuvent être facilement devinés. On ne s’ennuie cependant pas devant le film d’Aja puisque le changement de ton, le côté décalé global et les bonnes prestations maintiennent l’attention. Daniel Radcliffe est en effet excellent. L’acteur livre une prestation impeccable et prouve son talent pour choisir des rôles repoussant constamment ses limites. Il s’amuse, et le transmet plutôt bien. Avec la bande-son rock ne reprenant que du bon, Aja développe une ambiance unique qui contribue à la naissance de scènes d’anthologie. Comment oublier ce moment où Ig sort du bar au son de la voix de Manson ? Malgré ses indéniables défauts, impossible d’ignorer que je me suis vraiment amusée devant « Horns » (du moins jusqu’à la conclusion), qui n’est ni plus ni moins qu’une série B quatre étoiles, un délire filmique non identifié comme on devrait en voir plus souvent.