Nièce par alliance de l’immense Alberto Moravia (son père, journaliste réputé, est le frère d’Elsa Morante, l’épouse de ce dernier, elle-même écrivain de grand talent – de « La Storia » par exemple, ou « Aracoeli » – disparue en 1985), maîtresse de cérémonie du 57ème Cannes (2004, sous la présidence de Tarantino), cette belle Italienne, danseuse à l’origine, dont la vie est en France depuis longtemps, a une riche filmographie sur plus de 30 ans en tant qu’interprète, internationale autant qu’éclectique (on peut citer ainsi les Italiens Bertolucci, Giuseppe et Bernardo, ou Moretti, le Suisse Alain Tanner, le Portugais Monteiro, et de nombreux Français, comme Granier-Deferre, Resnais ou Danièle Thompson). Prix « David di Donatello » (les « David » sont les équivalents italiens de nos « César ») de la Meilleure Actrice en 2002, pour le rôle de la mère dans le multi-récompensé « La Chambre du fils » de Nanni Moretti, elle a aussi de bons téléfilms à son actif, comme « L’Affaire Dreyfus » d’Yves Boisset, et elle est aussi régulièrement montée sur les planches (elle a même commencé sa carrière au théâtre, avec « Richard III », en Italie). Ayant au départ simplement écrit le scénario de « La Cerise sur le gâteau » avec Daniele Costantini, mais ne trouvant personne voulant en assurer la réalisation, Laura Morante se laisse convaincre par le producteur Bruno Pésery de tourner elle-même, à Paris et non à Rome comme prévu (tout en assurant le premier rôle, celui d’Amanda). On attendait donc avec curiosité ce premier film, qui plus est « sous double casquette » (réalisation et interprétation). Laura Morante écrit et met en images une histoire dont on pressent dès l’abord la conclusion sentimentale « classique », même si le quiproquo d’origine s’installe et prospère, qui semble en empêcher le terme (mais la fausse homosexualité d’Antoine n’est finalement que le ressort dramaturgique principal) : son film est-il alors une comédie « romantique » ? Sans doute pas : appellation trop réductrice (et pourtant la scénariste/cinéaste sait jouer sur les codes de la « romance »). Amanda n’est pas « misanthrope », elle n’a aucune propension à détester le genre humain en général – elle est tout au contraire nettement curieuse de son prochain, sympathique et ouverte aux autres. Non, elle a un « problème avec les hommes », comme le dit la bande-annonce : elle en a peur dans leur dimension sexuée. Quand elle rencontre Antoine, aucune crainte de ce genre : ce garçon intelligent, discret et sensible, ne recherchera, pense-t-elle, jamais sa compagnie en tant que partenaire sexuelle possible, en raison de son inclination gay – elle peut donc cultiver en toute sécurité une belle amitié avec lui. « Cliché » direz-vous, que ces « affinités électives » réservées aux relations femme/gay (celui-ci paré au passage de toutes les qualités de sensibilité et de bon goût, étrangères aux hétéros lourdauds) : peut-être là aussi jeu sur les codes... Inconscient, phobies : voilà par ailleurs la matière d’une trame « psychanalytique » (d’ailleurs Hubert est analyste – et Amanda pourrait bien être le sujet de son prochain livre, « La Cerise sur le gâteau » - quant au ténébreux Antoine, il est lui aussi en analyse), mais la psychanalyse, au service des sentiments, va être du type « ludique ». Cette psychanalyse « amusante » qui égratigne gentiment au passage le sujet, et évite ainsi toute tentation de pontifier, est croisée mine de rien avec une étude du microcosme favorisé dans lequel évolue la galerie de caractères mise en scène – plutôt « bobos » (car plus « Canal St-Martin » que « St-Germain-des-Près »), mais échappant à la surcharge caricaturale. Au bilan : assurément une comédie « de mœurs », fine et enlevée. Les actrices devenues réalisatrices sont nombreuses, en France comme à l’étranger, avec de belles réussites, souvent renouvelées (Agnès Jaoui ou Josiane Balasko par exemple) ou des résultats nettement moins convaincants (ainsi sans doute de Sophie Marceau ou Isabelle Mergault). Qu’en est-il de Laura Morante, qui se lance, tardivement, dans l’exercice ? La comédienne chevronnée ne démérite pas en passant derrière la caméra, contrairement à ce que l’on peut lire souvent sous des plumes professionnelles peu indulgentes. S’il y a encore certaines maladresses de réalisation, si le dernier quart d’heure du film s’emballe un peu hors de propos, et se « banalise » dans le ton (même si la toute fin rattrape assurément cette impression, avec son épilogue éloquent et malin), il y a des qualités certaines de style, de bons dialogues et un notable soin apporté aux personnages secondaires (voire très épisodiques) à louer, le tout avec une direction d’acteurs à la hauteur (Elbé, Carré et consorts, bien employés et d’un grand naturel, qui entourent Laura Morante/Amanda, elle aussi parfaite). Un essai que l’on a envie de voir renouvelé.