Bonne élève de la Fémis, elle s'accompagne ici d'un premier film qui sert une histoire intéressante mais un peu lassante.
On sent un immense désir chez cette réalisatrice, scénariste de formation, de faire un portrait sur une jeune fille tourmentée ayant perdu sa mère, vivant dans un univers de béton armé, dans les années 70. Sur le papier l'idée est intéressante et fondamentalement cinématographique. A l'écran les ingrédients techniques sont maîtrisés, entre une lumière très réfléchie vis-à-vis de l'époque où l'histoire est censée être tournée (merci à ses amis chef op de la Fémis) et les émotions de cette jeune fille, amère et mélancolique; mais aussi par la présence visuelle (et on commence à le savoir dans le cinéma français) du visage éminemment cinématographique de Léa Seydoux.
Ce film s'ouvre et ne s'ouvre qu'avec et sur les destins de jeunes filles-adultes. La mort de la mère de Prudence plane.
On attendra assez longtemps avant de percevoir la présence masculine, d'abord en entendant le père au téléphone, puis lors du repas de Sabbat chez son oncle et sa tante, où là, la figure paternaliste côtoie la figure religieuse. Incarné de manière rigide et masculine par l'oncle, alternativement efféminé et interrogatif par le cousin, qu'on reverra par la suite. Ce n'est qu'à la moitié du film que l'on voit enfin les hommes, tant convoités par cette jeune fille: en groupe, en meute sur le circuit de Ringis.
D'un corps masculin suprême et unique, syncrétisé autour d'une table pour le repas religieux, on passe à un corps collectif masculin que la jeune fille désire et qui se montre à l'écran par un passage tumultueux dans la forêt.
Seul l'homme, le vrai, celui qui prend des risques sur les circuits de moto, celui qui sent le cuir à son blouson et qui fait claquer le son du casque sur le métal de sa moto, n'a d'égard pour ces jeunes filles. C'est le point de vue d'un désir féminin pour le phallus des circuits qui est timoré dans ce récit. Ce point de vue sur les hommes reste intéressant, dans une époque où les femmes commençaient à pleinement jouir de leur liberté de ton et de parole, et allaient petit à petit se mêler à l'univers des hommes.
Mais voilà le récit s'allonge et le temps qu'on a déjà passé à observer cette jeune fille se prolonge sans renouvellement. Un récit travaillé qui manque de renouvellement interne. Le simple fait de filmer Léa Seydoux devient un prétexte, tellement le visage de cette actrice, éminemment intéressant, suscite l'intérêt, voire devient le socle sur lequel repose le film et son intrigue. L'actrice devient un prétexte cinématographique supplémentaire dans ce film chargé de vocabulaire cinématographique. Le scénario, l'image, l'actrice. Un exercice rondement mené, qui nous encourage à suivre cette réalisatrice, mais à laquelle on reconnaîtra son premier film comme bienveillant et prometteur mais surtout scolairement cinématographique.