Le réalisateur de ce clip autopromotionnel, c'est JR, l' artiste contemporain le plus "hype" du moment. Dans les milieux autorisés de la branchitude, on le nomme carrément le Cartier Bresson du 21ème siècle. Connaissant très peu ses nombreux travaux photographiques (formidables à ce que l'on dit), je suis allé voir son film dans un bel élan de curiosité et j'en suis sorti fortement agacé. Dès les premières minutes, j'ai senti que ce film allait m'énerver. JR filme une femme noire qui est à deux doigts d'accoucher. Elle gémit et essaie de trouver une position confortable. JR claque de très beaux plans car il est vrai que les ombres et les contrastes magnifient la peau noire. Le problème, c'est qu'au moment de shooter, le réalisateur était face à une personne qui vivait sans doute les pires douleurs de sa vie, quand lui ne cherchait que la qualité plastique de sa photo. Sentiment de malaise immédiat. Après cette introduction, le titre du film apparaît à l'écran : Women Are Heroes. Un peu lourdaud comme message de début! JR nous embarque ensuite dans un long clip sur une favela de Rio. Usant et abusant d'images accélérées, l'artiste nous noie dans un déluge technique. Sa caméra virevolte à travers les étroites ruelles colorées, s'attarde sur les visages poupins de quelques enfants des rues, le tout au rythme d'une musique électro bien branchouille. Le syndrome de Slumdog Millionnaire à son paroxysme. On comprend le message que JR veut faire passer. En effet, il faut aller au delà des clichés qui collent à la peau des favelas. Il n'y a pas que de la violence et des meurtres. Oui, JR, il y a de la vie, de la joie et de l'espoir dans les favelas, tu as raison! Mais le fait de "sur-esthétiser" les "bidonvilles" pour faire passer ce message est également un cliché. Si ces plans de Rio étaient un clip pour un groupe de samba local, je n'aurais rien eu à redire. Le problème, c'est que JR veut mettre du fond dans ses belles images en ayant finalement très peu de choses à dire. Quand on appelle son film Women Are Heroes, le spectateur s'attend à voir des portraits de femmes VRAIMENT intéressants. Malheureusement, ce n'est pas le cas. En dépit de deux où trois témoignages assez poignants, les interviews de ces femmes du monde brillent souvent par leur vacuité. Mention spéciale aux déclarations bébêtes de la gamine de six ans. JR l'a certainement filmée pour son joli minois mais certainement pas pour ses propos. On apprend seulement qu'une enfant des favelas veut devenir mannequin et médecin. Women Are Heroes ! L'ensemble du film est brouillon. On ne sait jamais si l' on regarde un film en l'honneur du courage des femmes, un panorama des plus jolis plans de l'artiste où bien à la projection d'un film publicitaire en l'honneur de son travail. Il y a une raison très simple à cela : Women Are Heroes est juste le compte rendu vidéo d'un périple de l'ariste qui a duré trois ans. Ayant emmagasiné une quantité considérable de matière, JR nous fait un best of de ses prises de vues en faisant semblant d'avoir trouvé un thème à ses travaux filmiques. Ce ne sont pas les femmes qui sont à l'honneur dans ce film, mais JR himself. Alors oui, les photos sont magnifiques. JR maîtrise à la perfection l'art du beau plan. Mais concevoir un film est différent de produire un livre de photos. Women Are Heroes est d'ailleurs décliné en ouvrage photographique et je suis certain qu'il doit être formidable. Mais au ciné, le message passe très difficilement en raison d'une réflexion assez nunuche qui nuit considérablement au film. Dommage.Message personnel à JR qui ne sera jamais lu par l'intéressé : Trop de time-lapse tue le time-lapse...