Ce qui pose problème dans Le Havre ce n'est pas tant cette forme has been ou cette direction d'acteurs spéciale, mais c'est surtout son propos. On nous parle de solidarité française, un immigré gabonais étant recueilli par un pauvre vieux sans le sou et protégé par tout un village ou presque. On nous montre comment ces monsieur et madame tout le monde peuvent, ensemble, faire des choses exceptionnelles, en l'occurrence changer la vie d'Idrissa. Mais cette débauche de bons sentiments et d'hymne au peuple français semblent être enfermés dans une coquille vide qui nous laisse de marbre, avec la désagréable impression d'être pris pour un con.
Les seuls passages sympathiques sont les quelques pointes d'humour, plusieurs répliques étant vraiment très drôles. Mais c'est à peu près tout. Tout ce qui relève du contexte de l'histoire, de son évolution, de ses diverses étapes, c'est vraiment plat, sans fond, avec un discours politique qui a autant d'impact que celui d'Avatar, c'est dire. Qui plus est la réalisation est éreintée, complètement dépassée et presque embarrassante par moments. On ne sent pas de conviction, tout est tellement convenu et sans saveurs que l'histoire n'a finalement aucune âme. À la manière de sa photographie, le film est poussiéreux, et à aucun moment le réalisateur ne frotte pour enlever la poussière. C'est un sujet d'amour au peuple français et à la solidarité mais on ne sens aucune passion jaillir sur l'écran, juste un ensemble de scènes qui ont de moins en moins d'utilités et qui semblent juste remplir des blancs par d'autres blancs.
Et si ça ne suffisait pas le petit Idrissa est clairement brandit comme un objet. C'est un meuble qu'on traîne de voisin en voisin comme un trophée qui symboliserait notre bonne conscience collective. C'est donc une forme presque contradictoire qui se mêle au discours puisque le film s'intéresse davantage au sentiment d'auto-satisfaction des habitants qu'au sentiment de liberté pour le jeune immigré. Quelque chose de très égotique en somme, le gabonais se transformant en faire-valoir de la bonne mentalité. Quant aux expressions artistiques elles deviennent si grossières qu'elles paraissent tout à fait superficielles, avec les « méchants » français qui sont toujours en hors-champ, parce que Kaurismäki ne veut pas les montrer, non, il veut les écarter de sa vision du monde – le meurtre, le voisin, le préfet –. Une vision qui en devient donc unilatérale, tout à fait cliché et sans réelle réflexion ; le genre de discours qu'on accepterait volontiers dans un film d'animation mais qui devient indigeste dans un film d'auteur.
Pourtant les acteurs, malgré leurs tons décalés, sont tous plus ou moins convaincants, mais difficile pour eux de tirer ce film vers le haut puisqu'il ne cesse de se mettre lui-même des bâtons dans les roues. Je pense que j'ai rarement été autant sidéré que devant le concert de Little Bob ; je pensais avoir eu ma dose avec Carrey Mulligan dans Shame, mais là Roberto Piazza bat tous les records. Deux minutes de sourire pour 1h30 de néant cinématographique, c'est ce qui vaut un 2 et une sacrée envie de se tirer une balle dans la tête. On est en 2012, merde.