"Le Havre" Arte le 29.03.32017
Curieux melting-pot cinématographique que ce film fino-franco-allemand, mais comme la plupart des enfants métissés, le bébé est superbe ! Une histoire faite de deux fois rien autour d'immigrés clandestins qui ont tenté la traversée jusqu'au port français du Havre et un jeune noir qui parvient à s'enfuir. Avec des acteurs pleins de talent, bien que certains quasi inconnus en France, mais qui sont les comédiens fétiches du réalisateur : Aki Kaurismäki, né en 1957 à Helsinki, et qui jusqu'alors (2014) a fait 16 films dont deux en France.
Pour le choix des acteurs, il confesse : "pourquoi en changer si ceux avec lesquels on a l'habitude de tourner donnent satisfaction ?" Jean-Pierre Darroussin est superbe dans son rôle de flic qui n'est pas sans me rappeler le rôle de l'inspecteur Javert dans plusieurs versions du film "les misérables" L'acteur confie sa surprise : "Avec la plupart des réalisateurs, on multiplie répétitions, prises de vues jusqu'à ce qu'on soit "chauds" Aki va bien rarement au-delà de deux prises de vues : c'en est presque frustrant, car pas de fun, il veut "du brut". Même chose pour le matériel : il est resté à l'époque de Marcel Carné et veut s'y arrêter. Il n'aime pas les audaces du cinéma "nouvelle vague" et ne s'entoure d'aucun gadget pour filmer. Son matériel, c'est du lourd, du vieux matos, les travellings sont l'exception, et les méthodes de tournage permettent des plans plutôt inhabituels à notre époque mais des images tellement belles, tellement rares. Exigeant aussi Kaurismäki qui confesse : "Je pardonne à un comédien qui manque de tomber lors d'un tournage, pas qu'il omette une syllabe. Ses films sont minutieusement préparés ; il a fait le tour des ports européens avant de s'arrêter au Havre qui lui permettait un film lumineux. Les lumières paraît-il, y sont à nulle autre ville comparables. D'autre part, Le Havre a presque été rasée au cours de la seconde guerre mondiale et une nouvelle ville a été édifiée avec appartements et rues en carrés et lignes droites. Par contre, il subsiste en contrepoint des vieux quartiers qui ont retenu l'attention du réalisateur, permettant de reloger le sous-prolétariat, ainsi que le bistrot de Marie-Louise qui a séduit Aki et où se déroulent les rencontres... Une alternance permettant des plans anciens/ modernes. Même les voitures sont françaises (et d'origine) contrairement à bien d'autres films !Tous les décors ont aujourd'hui été rasés, comme c'est souvent le cas où le réalisateur finlandais tourne. Comme dans son pays où les intellos lui reprochent de ne filmer que le mauvais côté des choses. Côté comédiens, le flegmatique André Wilms que je ne connaissais pas et qui est très entier, aussi pro que naturel, nous offre un grand numéro malgré son métier de cireur de chaussures. Même coup de chapeau à Roberto Piaza dit "Little Bob", pionnier du rock et du rythm'n and blues en France, et que le réalisateur qui l'aime beaucoup, a fait jouer dans son propre rôle. Il anime ici une espèce de gala de bienfaisance pour permettre au jeune immigré évadé de payer la traversée pour retrouver sa mère en Angleterre. Toujours dans le cadre de cette méticuleuse préparation d'avant tournage, Kaurismäki explique encore que parmi les immigrés clandestins qui ne sont pas morts lors de leur fuite, on est surpris de constater qu'ils se sont parés de leurs plus beaux atours, voulant faire bonne impression à leur arrivée. Le réalisateur, Aki Kaurismäki, regrette aujourd'hui que" le Havre" ait été présenté au festival de Cannes, il ne veut plus de tapis rouges ou bleus sous les pieds : " Les films ne sont pas des chevaux et ne sont pas faits pour entrer en compétition" affirme-t-il !.
Cette aventure est pleine de douceur, d'entre aide mais il ne s'agit malheureusement que d'une fiction. Je devrais dire ces aventures puisqu'en fait il y en a deux, comme il y a deux fins comme Aki ne les fait pas souvent : je ne peux en dire plus.
Bref, ce film reflète beaucoup de sensibilité, beaucoup de réalité. Aki confirme :' je n'aime pas l'humanité, j'aime les êtres humains'...
willycopresto