Conte rétro à tendance apathique sur l'espoir qui sauve. Ne serait-ce que pour le style très kaurismäkien et son esthétique recherchée, parfois sublime, qui peuvent surprendre voire ensorceler, LE HAVRE vaut la peine d'être vu. Sinon, tension et rythme sont quasiment absents de la mise en scène, trop posée pour que saille la dimension dramatique. Une lenteur lourde et froide domine le tout, tranchée par un tardif live d'un improbable groupe de rock ringard. Pour l'histoire, simpliste, presque tout est dit dans le résumé. Le script rue un peu dans les brancards d'un système fascisant qui poursuit les immigrants irréguliers. Un parallèle peut être établi avec la traque antisémite. On parlera donc de l'importance de garder la foi, de bienveillance humaniste, d'optimisme... Le film tient grâce à la cohérence des plans, des tons (beaux pastels bleus, jaunes, rouges...), des décors et des costumes. Pour le reste, ça ne vibre guère. La pesanteur des interactions, l'anémie des dialogues et la diction délibérément récitée de certains personnages peuvent agacer – au plus horripiler, au moins peiner à séduire. La pauvreté et l'innocence criminalisées, l'être aimé menacé de mort expriment l'absurdité de ce monde. Malheureusement, en voulant les représenter de manière décalée, sans violence réelle ni réalisme, les scénaristes Aki Kaurismäki et Malla Hukkanen tombent dans le double écueil de la naïveté et de l'enjolivement. L'artifice de l'élégance plastique, sobre mais appuyée, fausse l'émotion et puis la dénonciation reste bien faible. Si on échappe au manichéisme sur la fin, on nous sert pourtant le portrait piquant des vils commerçants, hypocrites, obéissants, servant la police, et celui des âmes résistantes, vraies, réfléchies, empathiques, autour du gentil petit garçon noir malmené (dommage pour le cliché, avec le chien sur l'affiche), par ailleurs mal joué. Côté acteurs, c'est plat, malgré un André Wilms magnétique. En voulant imprimer le «mur d'absurdité» auquel le secourable Marcel Marx (un nom de poids!) se trouve confronté par un traitement distancé désincarnant, le cinéaste a donné au film une allure de conte altruiste paradoxalement glacial, où la tension passe pour paisible! Ce genre de récit, qui devrait se passer à Calais, se déroule au Havre. Or les caractéristiques architecturales de la cité, si particulières, ne sont pas exploitées: on voit très peu la ville (quelques recoins, deux bouts de côte...) – on pourrait être ailleurs. Histoire de nous faire encore perdre nos repères, le film se trouve baigné d'un design joliment désuet, épuré, façon années '60 à '70. On aurait pu avancer qu'il s'agit de poésie filmique si LE HAVRE n'était pas dénué de profondeur. Ce refus du réalisme, la prétention à l'intemporalité et le choix du minimalisme auraient de quoi charmer or ils nuisent à la force du film, qui finit par sonner faux. Un conte au style original mais au contenu trop simpliste et dilué, banal et peu habité.