Un film dont l'avant-dernière phrase est : "On peut rentrer, Marcel", ne peut pas être mauvais. Dans cette concision qui laisse entendre mille et une pensées sous-jacentes (bon, il faut voir les 90 minutes qui précèdent pour saisir la tendre pudeur de cette réplique), le cinéma de Kaurismäki s'épanouit comme une fleur sous serre, d'une beauté fanée et désuète qui attendrit. Le Havre (cela marche aussi avec un h minuscule) est un film qui ne surprendra pas les kaurismäkiens convaincus et patentés. Dans ce conte de Noël, hymne à la solidarité et à la générosité, le cinéaste finlandais ne se renouvelle pas. Une variation minime dans la forme et le fond qui peut même décevoir, qui sait, tant on pouvait espérer que dans ce film français, Kaurismäki saurait s'affranchir de ses fondamentaux. Mais ne chipotons pas, Le Havre est mis en scène avec sa limpidité habituelle, une qualité de lumière confondante et un humour toujours discret et irrésistible. Joli aussi, le décalage temporel avec ses éléments des années 50/60 (voitures, téléphones, commerces) confrontés à un ancrage dans le monde contemporain (mondialisation, expulsion des clandestins). C'est vrai qu'il y a un côté Amélie Poulain rencontre Welcome, sauf que les rares dialogues semblent avoir été écrits par Jacques Prévert, période Quai des brumes. Et puis les clins d'oeil abondent : aux côtés de Wilms, Outinen (prénommée Arletty, ici), Léaud et Darroussin, on aperçoit Etaix et la gloire locale, Little Bob, rocker à la banane blanche, qui assure toujours derrière le micro. Entre tangos et vieilles chansons française, la B.O a d'ailleurs une belle gueule d'atmosphère, atmosphère. Alors, même si on est moins enthousiaste qu'on aurait voulu l'être, cette bal(l)ade océanique de Kaurismäki est de celles qui ne refusent pas. On s'y sent bien comme dans un vieux pull-over.