DECEPTION ! Pour l’amateur de Dany Boon que je suis depuis 1997 et ma découverte du formidable one man show au Palais des Glaces diffusé pour la première fois à la télévision, je crains qu’il ait perdu son clown tant Rien à déclarer m’a laissé de marbre. Oh bien sûr, il y a quelques rires heureusement, mais pas de bidonnage, encore moins de hurlements loufoques ou de rires avec le nez cochonifiant. Globalement, la salle partageait mon point de vue, le niveau sonore des rires ne dépassait pas celui d’une 4L non tunée au ralenti.
Le pourquoi du raté est évident, le ton du film penche plus vers le drame que vers la comédie, tout est question de fin. La fin d’une monde avec la fin des frontières, la fin d’un amour ou presque, la fin d’une imposture, la faim d’humour qui n’est pas rassasiée. L’enrobage, lui aussi est dramatique. 1993? Non! 1983! En encore! Les dialogues, les costumes, les décors, les accessoires, on semble plongé dans un anachronisme global. Pour info, Jean Hoguet, Directeur de la Direction Nationale des Enquetes Douanieres dans « Au service de l’Etat à travers la Douane », indique qu’il a obtenu une dérogation du ministre pour acheter des ordinateurs PORTABLES, en 1990! Anecdote passée, ce genre de détails serait peu important si la comédie tenait son rang.
Dany Boon ne veut pas faire les chtis 2, il a raison, cela ne servirait à rien. Mais pourquoi le génome de rien à déclarer est-il aussi semblable aux chtis. Musique similaire, sauf pour une étonnante partition de R.Kelly, qui dénote de l’ambiance générale, clin d’œil inutile à un ami venu du sud. La Poste est devenue La Douane, mais la critique de l’administration reste. L’impossible amour barré par la timidité est toujours là, mais le problème n’est plus la famille, mais la belle-famille. Scènes de restauration, le partage se fait autour de la table. Choc des cultures, puis intégration. Résultat: les chtis font de la douane. Le deux est toujours moins bien, comme le démontre subtilement Wes Craven dans Scream 2.
Pire que de faire une suite sans en faire une, Dany Boon va aussi piquer des idées chez Camping avec ce mécano loufoque, qui doit se dire qu’il va finir par changer sa qualification d’acteur en garagiste sur son CV. Pour l’écriture des chtis ils étaient trois, là il est seul mais il a perdu quelque chose. Rien de surprenant dans ce scénario, tout est archi prévisible, ma voisine bavarde et pénible de ses commentaires dans la salle, annonce qui conduit la BM tout haut avant qu’on le découvre, pourtant elle est très conne.
Et j’en viens au pire, la réalisation. Cette course poursuite entre la BM et la 4L est l’une des plus lentes qu’il m’ai été donné de voir, surtout quand la vitesse annoncée de la BM est de 200 km/h. Comment expliquer alors qu’une 4L tunée avec un moteur d’Alpine se retrouve coincée a égale vitesse entre un vieux trafic et un vieux tacot? Pourquoi elle perd ses pièces de carrosserie sans déformation? Tout n’est qu’illusion. Le manque de moyens mis en œuvre pour cette scène est flagrant et symbolique de cette sensation d’économies de bout de ficelle qui a présidé à l’ensemble. Après un énorme succès pour un deuxième film, la production de ce troisième film (merci Joe) valait bien plus. Or, l’écran est vide, tout est arrêté, figé. Ce n’est parce que l’on se situe à un poste frontière qui va disparaître, que la circulation elle aussi disparaît. Et en plus avant même que cela ait lieu. Même chose pour la vie, pas de passants, pas de gens aux fenêtres, dans ce décor de ville fantôme avant l’heure. Ce décor pèse sur le jeu des acteurs. Crispation, rigidité, rien ne coule vraiment naturellement, le meilleur est celui qui admet qu’il ne sait pas faire ce qu’on lui demande: Bruno Lochet. Dany Boon et Benoit Poelvoorde sont en dessous de tout ce qu’ils ont pu faire de meilleur, c’est faux. Julie Bernard, est une découverte intéressante, car elle est juste dans le registre du drame. Et heureusement aussi que le couple VIARD-DAMIENS fonctionne parfaitement et relève le niveau de la comédie car sinon c’était la noyade. Dommage que la relation entre Poelvoorde et son fils, un jeune acteur très mignon et attendrissant n’ait pas été exploitée, on tenait là quelque chose de plus intéressant.
Le propos sur le racisme n’est pas traité finement, pas de poésie, on tire à l’arme à feu du surmoralisme et de l’insistance lourde, risquant de provoquer un rejet.
Dany Boon manque cruellement de confiance pour rien à déclarer, alors qu’il aurait pu exploiter sa réussite passée pour se lâcher, il est au contraire constipé, ce qu’il a lui-même admis lors de la promotion sur les plateaux télévisés. Pas d’inventivité visuelle, un seul plan marquant d’une vue aérienne réussie, copier-coller d ‘un plan de son premier film.
Ma Brigade des Objets Filmiques (BOF), n’aurait pas laissé passer la frontière de la projection cinématographique à Rien à déclarer. F.O