Le projet du film est né d'une idée toute simple: Nanni Moretti et ses scénaristes Federica Pontremoli et Francesco Piccolo ont imaginé un Pape, venant d'être installé dans ses fonctions, qui ne se sent pas capable d'aller au balcon pour se présenter devant les fidèles.
"Habemus Papam" est une locution de langue latine, à traduire par l'expression "Nous avons un pape". On la prononce traditionnellement au moment de la traditionnelle cérémonie qui suit les délibérations des cardinaux pour l'élection du nouveau Pape. C'est le cardinal protodiacre qui se charge de la scander sur le balcon de la basilique Saint-Pierre du Vatican, avant d'annoncer le nom du nouvel élu.
Nanni Moretti a fait lire le scénario d'Habemus Papam au cardinal Ravasi, personnage influant de l’Église qui officie en tant qu'équivalent de ministre de la culture. Le cinéaste espérait obtenir une autorisation pour tourner au Vatican, mais Ravasi a refusé de lui en délivrer une.
Nanni Moretti a souhaité faire cohabiter deux genres dans Habemus Papam : la comédie et le drame. De la même façon, il voulait que s'articulent une dimension grotesque et une autre plus réaliste. En conséquent, le film est élaboré selon deux parties, une première comportant des séquences de cloisonnement, une seconde plus aérée. Comme pour souligner l'effet d'enfermement dans le Vatican en opposition à la liberté permise dans la ville de Rome.
Dans Habemus Papam, Nanni Moretti met en scène une psychanalyse du Pape en personne. Ce n'est pas la première fois que le cinéaste aborde ce thème, par ailleurs très tabou au Vatican. Dans La Chambre du fils qu'il a lui-même réalisé, le personnage principal est un psychologue rongé par le décès de l'un de ses enfants. Dans Palombella rossa (1989), un des protagonistes arbitre un match et demande conseil à son psychanalyste avant de siffler un penalty.
Lorsqu'un Pape décède, une procédure est lancée par l'État du Vatican afin de désigner son successeur. Le siège est laissé vacant, sans personne pour gérer l'intérim. Neuf jours de deuil sont décrétés, pendant lesquels le corps est exposé au public. Après cette période essentiellement constituée de prières et de recueillements, la Congrégation générale organise le vote pour l'élection du nouveau Pape et convoque le Conclave.
Ce sont les cardinaux qui élisent le Pape, et ce depuis 1181. Cependant, en 1271, une élection dura plus de 3 ans. Cela a provoqué l'ire des autorités romaines, qui ont alors retenu les cardinaux entre quatre murs pour qu'ils se décident. Grégoire X fut finalement élu et prit plusieurs décisions pour éviter que de tels faits se reproduisent. Il a créé le Conclave et a soumis les cardinaux à des mesures formelles. Ils doivent rester cloitrés dans une même pièce pendant toute la durée de l'élection. Si, au bout de cinq jours, ils n'ont toujours pas fini de voter, les cardinaux doivent alors observer un régime au pain sec et à l'eau. Cette initiative permet d'accélérer la décision des électeurs.
Pendant la tenue du Conclave, qui se déroule dans la Chapelle Sixtine, aucun cardinal n'est autorisé à établir des communications avec l'extérieur sauf en cas de force majeur. Pour être élu Pape, il faut obtenir une majorité aux deux tiers, soit 66,6% des votes. Il ne peut y avoir plus de quatre scrutins par jour. En dernier recours, le mode d'élection peut être altéré. De deux solutions d'une : soit le vote s'effectue à la majorité absolue (le candidat ayant obtenu plus de 50% des voix est élu), soit le vote se fait entre les deux candidats qui ont eu le plus de voix durant les précédents scrutins. Cela permet de faciliter l'élection du souverain pontife et d'éviter d'interminables Conclaves. Lorsqu'enfin le scrutin aboutit et qu'un nouveau Pape est élu, les cardinaux lancent un signal : une fumée blanche se dégage alors d'une cheminée de la Chapelle Sixtine. Afin d'éviter tout quiproquo ou malentendu, les cloches de la Chapelle sont sonnées au même moment.
Une fois le Pape enfin élu, il faut respecter un protocole très précis. Le Doyen des cardinaux lui demande s'il accepte de devenir le souverain pontife. Après acceptation, le nouveau Pape doit choisir son nom. Il est ensuite emmené et isolé dans la Camera lacrimatoria (ou Chambre des Larmes) pour se recueillir. C'est dans cette pièce qu'il peut se laisser aller à quelques émotions. Peu après, il est invité à se rendre au balcon pour paraître devant les fidèles.
Il s'est avéré que plusieurs Papes ont été en proie à des difficultés existentielles au moment de leur investiture. Ainsi, Benoît XVI a affirmé qu'il avait le sentiment d'être amené sur l'échafaud au moment de son élection, en 2005. En 1978, Jean-Paul Ier, décédé après seulement 1 mois de règne, n'a pas supporté le poids des responsabilités qui lui étaient confiées.
Lorsqu'un cardinal est élu par le Conclave pour devenir le nouveau Pape, sa souveraineté lui est attribuée à vie. Certains papes ont abdiqué au moment de leur élection, d'autres ont démissionné au cours de leur pontificat. Le siège papal effraye les cardinaux plus qu'autre chose. Inversement, le Pape peut être démis de ses fonctions en cas de comportements hérétiques ou blasphématoires, ou s'il s'avère cliniquement atteint de folie.
Si l'on étudie de plus près les annales de la papauté, il existe plusieurs cas de figures assez singuliers:
- Celui du cardinal Hughes Roger (1293-1363) qui, élu à la surprise générale, refusa de porter la tiare, préférant s'occuper de ses affaires économiques;
- Le moine bénédictin Célestin V. Pietro del Morrone (1215-1296) vivait dans une grotte isolée et coupée du monde. A cause de sa réuptation de sainteté, les cardinaux sont allés le chercher pour occuper le siège papal après deux ans de vacance. mais l'ermite, âgé de 84 ans, n'avait pas les compétences ni l'expérience nécessaires pour assumer ses fonctions. Il quitta le pouvoir au bout de cinq mois de règne;
- Enfin, plus étonnant, Benoit IX (1012-1056) connut un "drôle" de règne. Son ère a été victime de soubresauts. Il a perdu à deux reprises le pouvoir du fait de soulèvements populaires et de rivalités entre aristocrates romains. Réinstallé sur le trône, il a ainsi connu trois règnes différents entre 1044 et 1048 avant d'être définitivement renversé.
Jean-Paul II lui-même aurait imaginé une jurisprudence pour protéger tout pape soumis à d'importants soucis de santé. Affaibli par la maladie, il aurait envisagé de donner sa démission dès 1989, de crainte de ne pas pouvoir exercer pleinement et efficacement ses lourdes fonctions pontificales.
Soucieux d'amener son spectateur en terrain non connu, Nanni Moretti a décidé de ne pas traiter des récents scandales auxquels le Vatican est lié (notamment des affaires de pédophilie, de prostitution et de finance). Le cinéaste estime que ces événements ont fait couler suffisamment d'encre ces dernières années. Son film ne se réfère pas l'actualité et propose un récit entièrement imaginé.
Le texte déclamé à plusieurs reprises dans Habemus Papam n'est autre que celui d'Oncle Vania d'Anton Tchekhov. Nanni Moretti désirait recourir à un auteur théâtral immédiatement reconnaissable. Il a estimé que Tchekov était la référence la plus adéquate, non seulement à cause de la popularité du bonhomme mais aussi par rapport à l'état d'esprit du film.
Contrairement à ce qu'on pourrait croire, Nanni Moretti a cherché à faire rire non pas seulement de l'Église mais aussi de la psychanalyse. Le cinéaste affirme avoir toujours utilisé le cinéma pour faire dans la moquerie: "Je me suis moqué de la gauche, de ma génération (lorsque j’avais vingt ans, puis trente, puis quarante …) et dans Journal intime, je me suis même moqué d’un cancer que j’ai eu il y a vingt ans. Je pense qu’il est permis de se moquer également de la psychanalyse."
Comme à son habitude, Nanni Moretti joue l'un des personnages principaux dans son film. Si le cinéaste-acteur confirme l'idée que "le sentiment qui habite le film est autobiographique", sa personnalité transparaît aussi bien dans le personnage du psychanalyste (qu'il interprète) que dans celui du nouveau Pape joué par Michel Piccoli.
Inquiétés par la polémique que le film risque de susciter en Italie à cause de son sujet, les vaticanistes se sont déclarés finalement rassurés après avoir vu le film en avant-première. En fin de compte, peu d'attaques ont été portées contre Nanni Moretti. Le cinéaste précise lui-même que les seules dont il a fait l'objet sont des cas isolés et donc non représentatifs de la communauté catholique.
Certains membres du Vatican ont néanmoins été troublés par certaines séquences qui présentent les cardinaux en train de jouer aux cartes ou au volley-ball durant le Conclave.
Le film a été présenté en compétition au Festival de Cannes 2011.