Quand Michel Piccoli, le pape de Nanni Moretti dans "Habemus Papam", accepte son "élection canonique comme prochain souverain pontife" d'un "oui" qui n'a rien de "franc et massif", on se dit qu'il y a de la réticence dans l'air divin du Vatican et que, chez ce nouveau pape tout juste désigné par ses pairs, quelque chose cloche... Et ça cloche tellement que ledit pape, au moment de se présenter au balcon face à la foule des fidèles qui n'attend que lui pour exulter et se fondre en prières, refuse l'obstacle tout net, tel un cheval fourbu et rétif qui se cabre et part au grand galop se mettre aux abris. Situation inédite, grave et incongrue... L'idée de départ est très bonne, la situation fort intéressante et, ma foi, plausible, même si, à ma connaissance, elle ne s'est jamais présentée dans l'Histoire avec autant de brutalité... Il y a bien eu quelques papes, dans un lointain passé, qui n'ont pas tenu la route ou la distance mais ils ne sont pas légion. Il y a bien eu Jean-Paul Ier, mort prématurément, et, très récemment, Benoît XVI qui a renoncé à sa mission. Mais dans l'ensemble ça reste presque anecdotique. Dans le cas que nous propose le film, c'est beaucoup plus inquiétant et "les voies de Dieu" sont plus que jamais "impénétrables" : voilà un pape qui panique d'entrée de jeu, qui ne semble pas "habité" par le divin, un pape que le souffle de Dieu ne pousse pas en avant vers sa mission et vers ses fidèles !... S'ensuit un long film (en tout cas un film qui paraît long), assez décousu, inégal, où le meilleur et le pire se côtoient et où passages sérieux et loufoquerie se suivent et s'interpellent. Certaines scènes sont cocasses au point d'en être ridicules. Parfois, en revanche, ça peut être très drôle, par exemple quand ce psychanalyste d'opérette (Nanni Moretti) doit conduire son travail analytique en présence d'un flopée de cardinaux espions et en ayant eu une sévère mise en garde quant aux sujets à ne surtout pas aborder... Ou quand, au bout de quelque temps, le masque tombe et que l'on perçoit chez ces vieux prélats initialement "sérieux comme des papes", le naturel humain qui revient au galop et qui perce sous la pourpre cardinalice, avec son cortège de petitesses, de mesquineries et d'enfantillages. Cependant, l'ensemble avance de guingois, manque de cohérence. Il est difficile sur un tel sujet de faire tenir ensemble le sérieux, la farce et la dérision. Il y a là une gageure, si bien que, souvent, on perd le fil, on s'ennuie un peu, on a le sentiment que l'intrigue se traîne, s'égare ou s'étiole et que Nanni Moretti fait un peu de remplissage comme s'il ne savait plus vraiment comment étoffer son propos ou quelle direction faire prendre à son excellent sujet de départ. D'où une sorte d'errance du pape Piccoli, très crédible dans le "rôle", même si son problème est, justement, de ne pas l'être, crédible, et même si ses déambulations dépressives à travers la ville, ses rencontres avec une sympathique psychanalyste puis avec Tchekhov et encore et surtout avec ses propres démons intérieurs, ne suffisent pas à emporter l'adhésion du spectateur ou à susciter l'enthousiasme. S'installe donc une impression générale de vague ennui et de "aurait pu beaucoup mieux faire sur un tel sujet". Etudier toutes les conséquences d'une telle situation, décrire les réactions des prélats, des foules, chercher des solutions dignes et envisager les décisions à prendre pour atténuer un tel "divin scandale" et en sortir "la tête haute", aurait pu donner lieu à un film passionnant. Le film oscille constamment entre le sérieux et la farce, ce qui permet au réalisateur-acteur de ne pas trop "se mouiller" mais, du coup, on sort de ce spectacle avec l'idée que le sujet a été effleuré mais pas vraiment traité et que Nanni Moretti a préféré, en quelque sorte, botter en touche.