Alain Marécaux, huissier dans le Nord voit les policiers débarquer chez lui en pleine nuit, le mettre en garde à vue et emmener ses enfants. Après une dénonciation, il est placé à la maison d’arrêt pour pédophilie et viols en réunion. Il crie son innocence mais le juge d’instruction semble déterminé à le faire craquer, dans ce qui deviendra un des plus grands scandales judiciaires français.
Après l’affaire Omar Raddad, le cinéma français s’empare de l’affaire d’Outreau. Mais là où Rochdy Zem avait délibérément cherché le film à thèse et à charge, au prix parfois d’une naïveté et d’un manichéisme dérageant, ce film se concentre directement sur une des victimes en nous faisant vivre l’injustice, la détresse et la chute sans fin de cet homme. En sachant que le protagoniste est innocent, le spectateur dispose alors d’une place de choix pour voir la machine judiciaire s’enrayer, et l’ensemble des magistrats et des juges se tromper. Un vrai cas d’école.
Si le réalisateur semble filmer modeste au vu de son sujet, on doit lui reconnaître plusieurs très bonnes idées : commencer rapidement en s’épargnant une mise en place inutile, sur un sujet de société bien connu. Se concentrer sur les dysfonctionnements du système, en nous présentant flics, avocats et matons comme des être humains et pas comme des monstres. (seul le personnage du juge du Burgaud est sans pitié, mais ceux qui ont vu ses dépositions peuvent difficilement argumenter la caricature). Et puis Philippe Torreton : au-delà ce sa stupéfiante performance physique, il trouve toujours le bon ton, y compris dans des scènes très difficiles, et porte le film sans excès ni caricature. Chapeau.
A l’arrivée, c’est presque un petit miracle de parvenir à ce ton juste et fort, en travaillant sur un matériau aussi lourd et sordide. Le message passe, et on peut rester en particulier scotché devant les « vraies » séquences de journaux télévisés qui font froid dans la dos, tellement elles ne semblent laisser aucune place au doute. Rien que pour cela, le film est puissamment nécessaire, une démonstration qui prend aux tripes de la nécessité de l’application du principe de présomption d’innocence.
Certes, le réalisateur est moins adroit dans la dernière partie du film, en particulier dans des scènes de prétoire un peu téléphonés, et dans une conclusion au montage haché un peu douteux. La grande qualité cinématographique de la première heure s’estompe petit à petit, à mesure que la charge émotionnelle disparaît. Mais traiter un tel fait de société sans voyeurisme ni chantage à l’émotion était déjà un sacré défi. Réussi.