Au premier abord, on croit avoir à faire à un film assez austère, engoncé dans les rites et prisonnier des dorures de la Basilique St Pierre. Mais au fil du temps, le film devient doucement irrévérencieux, souvent drôle, parfois acide sans jamais tomber dans la caricature. Pour aider le nouveau pape à accepter sa charge, le Vatican accepte de faire venir un psychiatre (Nanni Moretti lui-même) mais la séance tourne court ! Comment psychanalyser quelqu’un sans pouvoir évoquer avec lui son enfance, ses phantasmes ou ses relations avec sa mère ? Parfaitement bien interprété par Michel Piccoli, le Pape s’enfuit du Vatican pour errer dans Rome, dans l’espoir de trouver en lui la force de prendre une décision. A partie de là, le film se sépare en deux, d’un côté l’errance de ce vieux monsieur complètement perdu et écrasé par la charge qu’on veut lui confier et qui, au fil de ses pérégrinations, retrouve ses passions d’adolescence et de l’autre un Vatican en pleine crise, reclus et coupé du monde (avec le psychiatre, du coup…) et un conclave qui commence à trouver le temps long ! Cela donne, au final, un film un peu déséquilibré puisque c’est là, au milieu des cardinaux retenus de force entre les murs du Vatican que se jouent les plus belles scènes du film. L’errance de Piccoli finit au bout d’un moment par tourner en rond, avec quelques scènes assez superflues et étranges qui mettent légèrement mal à l’aise (celle de l’acteur exalté par exemple, dont on sent mal ce qu’elle apporte au propos…). Au contraire, les scènes au milieu d’un conclave retenu de force (puisque la Pape n’a pas été officiellement intronisé, personne ne peut sortir des murs !) avec un psychiatre sont les plus drôles, les plus perfides aussi, mais tout en gardant beaucoup d’humanité et de tendresse. Il n’y a pas d’anticléricalisme dans le propos de Moretti, il dépeint ses notables de l’Eglise comme des hommes comme les autres avec leur orgueil (la scène des bookmakers est parfaite !), leurs défauts (mauvais joueurs aux cartes, gourmands…), leur faiblesses et leur mal être aussi. Le tournoi de Volley, organisé par le psy pour passer le temps dans la cour du Vatican, avec des équipes par continent est juste surréaliste et il est difficile d’y résister tellement c’est drôle et décalé ! Quant à la fin, elle s’illustre par une double conclusion, l’une se retournant contre l’autre (je sais que ce n’est pas clair mais c’est difficile à expliquer sans trop en dire !), elle est un peu abrupte et nous laisse un tantinet sur notre faim, preuve qu’on aimerait en savoir plus ce qui va arriver ensuite, preuve surtout qu’on ne s’est pas ennuyé ! « Habemus Papam » est un film audacieux sur un sujet quasiment jamais traité, interprété avec beaucoup de justesse, un film très tendre et très drôle. C’est un film qui pose le problème des responsabilités, de celles qui nous tombent dessus et qu’on n’a pas voulues, et pose aussi le problème plus intime des limites de chacun dans un monde qui demande toujours plus aux individus.