Moyen-bon film de Philippe Lioret, dont l'objet se veut - c'est sa chance et son malheur - à la fois une critique de cette société de consommation, et une aventure sentimentalo-dramatique, deux axes donc entre lesquels navigue Lioret et dont la jointure, pour le moins fragile - pour ne pas dire hésitante, inconsistante et loupée - se fonde dans la rencontre de deux avocats gauchisants, l'une jeune, téméraire mais malade - pis, mourante -, Claire (assez transparente Marie Gillain) l'autre plus âgé, et un peu désabusé, Stéphane (assez transparent Vincent Lindon). Ce qui gêne dans Toutes nos envies, c'est plusieurs choses : d'abord le titre, qui ne veut rien dire, et surtout rien dire du film lui-même, hors sujet donc, oiseux, inutile (ne vaudrait-il pas mieux, quand on ne sait pas trouver un titre, ne rien mettre du tout ?).
Deuxièmement, cette hésitation entre le ton de la critique - la justice gauche contre les entreprises de micro-crédit de droite, assoiffées de fric et prêtes à asservir économiquement les plus nécessiteux pour assouvir leur pulsion immorale - et le drame sentimental, avec la maladie de Marie, sa mort prochaine, la nécessité de vivre plus vite... En somme, Toutes nos envies en fait trop : pourquoi ne pas rajouter le thème du chômage - celui de Christophe (assez transparent Yannick Renier), l'époux de Marie -, de la passion extra-professionnelle revivifiante - foutredieu, ces clichés sur les valeurs du rugby, la pauvreté infantile consécutive à l'abandon du père (celui de Marie) ou encore la relation quasi-adultérine entre Marie et Stéphane... Toutes nos envies déborde tellement d'envie de nous toucher qu'il ne nous donne, en retour, que l'envie de honnir cet excès de malheurs, mi-déterministes et mi-accidentels. Dommage, tout de même, parce que Lioret n'était pas tombé dans le piège auparavant ; en tous les cas, Je vais bien ne t'en fais pas avait su trouver, si ce n'est un brio, du moins une originalité au niveau de l'intrigue ; et Welcome avait su limiter son sujet à l'immigration clandestine. Ici, dans Toutes nos envies, l'intrigue se démultiplie, se dissout et dessert l'émotion, par trop d'envie peut-être - le pluriel du titre révélant bien alors l'échec du film.
Troisièmement, cette impression de gâchis au sens quasiment politique du terme, c'est-à-dire gâchis de forces : on espère - pas trop quand même - trouver quelques bonnes balles contre le système, et on n'a affaire, finalement, qu'à de bien faibles balles perdues, qu'à une terne immixtion dans l'univers impitoyable du marché - le sens de la "solution" du film, tourner le marché contre le marché, c'est-à-dire le marché dans ses règles contre le marché dans ses injustices, n'étant pourtant pas une erreur absolue ou une avilissante stupidité. Loin d'apparaître comme un film engagé, politique ou que sais-je, Toutes nos envies, et pour les raisons indiquées, n'a le mérite que d'aborder le sujet, que de toucher du doigt la "Chose". Toutes nos envies de molesse, en un sens. Autres raisons de gâchis : Lindon, qu'il faut adorer, tourne malheureusement en rond dans ce film-girouette, la réalisation pas souvent très nette, la musique facile faite d'airs tziganes à la guitare ou de poses au piano... En somme, l'idée principale - critique - n'est pas idiote ; dommage qu'elle ait été noyée dans tout un appareil destiné à bouleverser. Amandine Dewasme n'est pas nulle, non plus. Zou, 11/20.
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