Faire la critique de films quasi centenaires n’est jamais facile, mais enfin, pour être honnête, j’ai trouvé cette adaptation d’Alice au pays des merveilles extrêmement plaisante. C’est difficile d’accrocher à un film entièrement silencieux (muet, sans musique), et pourtant les 50 minutes du film étaient très agréables.
Coté casting, Viola Savoy dans le rôle titre. C’était une grande comédienne à l’époque, et même si elle n’a pas fait beaucoup de cinéma, elle avait beaucoup de talent (d’ailleurs elle a percé très tôt). Le muet, il ne faut pas se leurrer c’est dans les gestes, les attitudes, et attention le noir et blanc de l’époque ce n’est pas The Artist. Les expressions des visages ne sont pas en HD ! J’ai trouvé qu’elle rendait bien les émotions de son personnage, les réactions étaient crédibles, et surtout qu’elle évoluait dans cet univers avec aisance. Non, vraiment une actrice plaisante à suivre. Pour le reste je ne peux guère parler des acteurs en costume, mais dans l’ensemble j’ai trouvé que chaque personnage était agréable, très fun, et matériel ! Ca c’est très important, car les images de synthèse c’est bien gentil, mais elles ont beau être ultra-réalistes, elles n’ont pas la matérialité d’un costume.
Le scénario est le meilleur aspect du film. Là j’ai vraiment retrouvé le livre de Carroll, avec ses personnages (dont le Dodo trop souvent éclipsé), son univers. Bien sur que c’est important que le réalisateur amène sa touche, mais c’est aussi en regardant des films comme ceux-là que l’on se dit que ca fait bien longtemps que des adaptations fidèles d’Alice au pays des merveilles n’ont plus été proposées. Alors on est en 1915, du coup le film ressemble plus à une succession des scénettes marquantes du livre, mais quand même, chaque tableau est très bien fait, les textes sont ciselés, et le film de part son format de 50 minutes passe très bien. Comme quoi rien ne sert de faire des adaptations fleuves.
Sur la forme, c’est là où c’est le plus difficile d’apporter une note. Il serait ridicule d’exiger d’un film de 1915 d’être concurrentiel, même avec les films des années 30. La mise en scène est très théâtrale, c’est évident, se limitant à des plans fixes sur des scènes reconstituées. En fait c’est comme si le spectateur assistait à une pièce de théâtre. La photographie a clairement 100 ans. Là c’est du vrai noir et blanc granuleux, avec une image pas toujours nette, une profondeur d’image très limitée. Maintenant pour suivre c’est nettement suffisant, mais c’est certain que c’est toujours un peu frustrant de ne pouvoir profiter de tous les petits détails comme les films actuels nous le permettent. Coté décor là aussi c’est du théâtre, mais je note des costumes plutôt réussis, notamment celui du lapin. Il y a par ailleurs quelques trucages, comme la disparition du chat, ou l’ombre au début. Franchement, j’ai trouvé que c’était très bon. Je m’étonne moi même de dire cela, mais ils font illusion ! Coté musique et bien évidemment il n’y a rien du tout. C’est là aussi où l’on se dit à quel point une bande son est vitale.
En clair, Alice au pays des merveilles version 1915 est un film très agréable. Certes il s’apparente davantage à une pièce de théâtre qu’à un film, mais c’est une belle réussite. Bien interprété, il est fidèle au texte et à l’âme du livre de Lewis Carroll, et s’avère plaisant d’un point de vue formel.