Drôle d’objet de cinéma, à la fois d’une grande liberté de ton et pur produit marketing. La société Mattel, qui commercialise la célèbre poupée depuis 1959, a coproduit le film, en injectant manifestement beaucoup d’argent dans ce projet fastueux et en espérant relancer ainsi son produit phare. Un espoir qui prend un chemin curieusement détourné, puisqu’en confiant les rênes du film à Greta Gerwig (scénariste et réalisatrice) et Noah Baumbach (coscénariste), la marque accepte d’être dans l’autocritique, l’autodérision, avec l’histoire d’une Barbie en pleine crise existentielle. C’est le pari d’une certaine modernité. Pas bête. Et semble-t-il payant, si l’on considère, tout au moins, les résultats du film en salles. Reste à voir ensuite, sur la durée, la répercussion sur les ventes de poupées…
Quoi qu’il en soit, le film est destiné davantage à un public adulte qu’à un public jeune, même s’il a différents niveaux de lecture. C’est une comédie, d’une kitscherie pop joyeusement assumée, ludique, amusante voire délirante, qui va bien au-delà de ce programme. On pourrait parler de métacomédie, plutôt intello, qui analyse la symbolique de la fameuse poupée : symbole vanté d’une émancipation féminine (historiquement, Barbie ayant supplanté les poupons, les petites filles ont moins joué à être mères et femmes au foyer, plus à être femmes tout court), symbole d’une idéalisation féminine et d’un diktat vaguement fasciste, symbole du consumérisme et d’un capitalisme forcené… Cette métacomédie joue par ailleurs avec les stéréotypes, évoque un certain féminisme, un certain patriarcat, et le rapport de forces, soumis à variations, entre femmes et hommes.
Il y a beaucoup d’imagination narrative (allées et venues entre des mondes parallèles), d’humour (clins d’œil et références multiples, ironie, second degré, sens de l’absurde) et d’intelligence (caustique) dans l’écriture de ce film. La réalisation, follement emballée, est joliment maîtrisée. Et les deux acteurs principaux (Margot Robbie et Ryan Gosling) sont parfaits d’artifice et de drôlerie. La vivacité d’esprit qui domine l’ensemble procure une réelle jubilation. Avec un écueil cependant : ça va vite et tous azimuts, ça ne résout pas tous les paradoxes soulevés et ça ne laisse pas forcément une idée très précise du produit de cette réflexion à bâtons rompus, en termes de conclusion, quand bien même cette réflexion est truffée d’échappées belles et brillantes.