UNE FABLE DE LA CONDITION HUMAINE. « Barbie » n’est ni un film féministe, ni un film anti-féministe, mais un film initiatique. C’est-à-dire capable d’enclencher chez ses spectateurs un processus de transformation intérieure. Dans les sociétés primitives, les rites initiatiques coïncidaient souvent avec la puberté et la maturité sexuelle et marquaient donc le passage du monde de l’enfance à celui des adultes. Au début du film, Barbie est un jouet, une poupée, un objet genré, mais non sexualisé. A la fin du film,
on comprend qu’elle choisit de devenir une femme humaine
. Mais pour y parvenir, elle a dû surmonter des épreuves. En suivant le schéma de Joseph Campbell, Barbie est extraite de son monde parfait par un évènement extérieur : les pensées morbides d’une petite fille. Or, la mort n’existe pas à BarbieLand, monde idéalisé construit par l’imagination sur lequel le temps n’a pas de prise. Nous sommes en pleine dualité platonicienne entre le monde des idées et le monde réel. Barbie va « sortir de sa caverne » pour franchir la frontière qui sépare les deux mondes (en traversant les 4 éléments : terre (voiture, vélo), eau (bateau), air et feu (fusée)). En quête de son identité profonde, elle explique à Ken (et au spectateur) qu’il n’est pas ce à quoi il est identifié (par les autres). Le premier enjeu de l’adolescence, c’est de comprendre que l’individu n’est pas réductible aux projets que son entourage a pour lui. Le second enjeu vise à surmonter la peur de la mort qui vient avec la prise de conscience de sa propre finitude. La flèche du temps mène à la décrépitude (la cellulite de Barbie) et cette pensée est forcément anxiogène. La solution passe par l’initiation : une naissance symbolique choisie et non plus subie, comme notre venue au monde. A la fin du film,
Barbie désire faire partie des personnes qui imaginent et non plus des objets qui sont imaginés, c’est-à-dire de passer du statut d’idée (immortelle) à celui d’humain (mortel)
. En miroir au fameux tableau de Michel Ange, Ruth Handler, la créatrice / Dieu, prend la main de Barbie / Adam et lui accorde la capacité de respirer… et d’aller consulter un gynéco ! On remarque au passage que les figures masculines de la Bible sont maintenant féminines. Mais au-delà de l’éternelle question du sexe des anges, le message vivifiant et cathartique du film, c’est que tout un chacun peut s’autoriser à ressentir, à être humain et dispose de la capacité de prendre son destin en main. En d’autres termes, que la vie vaut la peine d’etre vécue et qu’elle a un sens. C’est tout l’objet de l’initiation et pourquoi « Barbie » (le film et pas seulement la poupée) peut être considéré, au-delà du divertissement acidulé, comme un objet transitionnel, c’est-à-dire un lien entre la réalité extérieure et le monde intérieur ou, dit autrement, comme une authentique fable de la condition humaine.