Plusieurs clichés à effacer concernant ce film. On considère Blier comme un auteur de comédies…
Or « le bruit des glaçons » n’est justement pas, mais alors pas du tout, une comédie…
On dit qu’il use volontiers de l’humour noir… Que non point !
Ici dans « le bruit des glaçons », l’humour au sens véritable est totalement absent…
Car ce film admirable est seulement un cri !
D’abord et surtout un cri !
Un cri poignant d’humanité qui pose brutalement la question existentielle de la maladie…
La narration choisie par Blier s’apparente au conte fantastique…
Au conte philosophique…
Le dialogue de l’homme avec la mort est un thème récurant depuis l’origine des temps…
Mais ici Blier fait œuvre originale en portant sur grand écran SA PROPRE méditation, son dialogue intérieur, sa culpabilité, son innocence inquiète sur grand écran…
Œuvre douloureuse, humaine et profonde…
On y entend la voix grave de la dèche existentielle…
Celle qui nous accompagne… TOUS ! Riches comme pauvres, maîtres comme serviteurs…
Voici le chant des cellules en vadrouille, des cliquetis du corps.
Et le silence hurlant des solitudes maladives…
Musique grave et profonde de Dusapin.
S’enivrer de la vie jusqu’au bout…
Faire tinter le bruit des glaçons pour encore rire et faire un doigt d’honneur à la camarde qui nous guette en permanence !
Eddy Louis…
J’ai besoin d’une main sur mon front !
Je veux me blottir contre toi ma douce !
Occupez vous de ma mort, ne me faites pas chier avec ma vie !
Lester Bowie surgit en râle blues avec son Art ensemble of Chicago.
Qu’importe la mort, puisqu’on est tous en phase terminale de la connerie !
Surtout si l’on n’a de regards que pour soi, pour les piètres honneurs, pour de si vagues prétentions, pour la possession (le « Rodin » !)
Comment peut on écrire, créer, vivre avec cette conscience amère, « ne t inquiéte pas, elle te guette, elle est toujours à tes côtés ??? »
Vieux l’acceptation est facile…
On sait encore en dire quelque chose…
Verbaliser la chose…
La sublimer.
On s’arrange pour être complice afin que le rire jaillisse et que l’amour soit encore là..
Et Léonard Cohen nous offre « A thousand kisses deep »
Mais jeune ?!!!!
C’est si difficile d’être beau/belle et jeune…
Qu’est ce que je vais faire de ma vie ?
Ne vend pas ta beauté ! Offre et ne reçois pas !
Car il n’y a ni mérite ni sagesse propre à la jeunesse…
Elle est là… Bien avant d’arriver…
Felix Leclerc !
Question facture, le film est parfait !
Du pur Blier.
Des mots, des phrases et des expressions qui n'appartiennent qu'à lui.
Les dialogues sont rédigés « aux petits oignons ». Ils font mouche.
C'est tour à tour triste, tragique, pathétique, émouvant, nostalgique et toujours poétique !
C'est barré, décalé, délirant !
On pense parfois à Bunuel par l’absurde des situations, par la manière de filmer…
Mais c’est avant tout un très GRAND Blier !
Dujardin est parfait. A l'opposé de son personnage habituel hautain et blasé que je supporte difficilement.
Dupontel souvent irrégulier est ici très bien dans son rôle métaphorique.
On retrouve Anne Alvaro attendrissante d’attention et de modestie. Et la formidable Myriam Boyer. Toutes les deux sont magnifiques.
Dans de plus petites partitions, Audrey Dana, très bien aussi, et la jolie Christa Théret.
Magnifique corps à corps entre la vie et la mort !
Qui, d’après vous, devrait, l’emporter ????