Après le très mauvais "Combien tu m’aimes ?", j’avais eu la confirmation de la mort artistique d’un des réalisateurs les plus atypiques des années 70 et 80, responsable de petits bijoux anars comme "Les Valseuses", "Tenue de soirée" ou encore "Buffet Froid". J’ai pourtant voulu redonner une chance à Bertrand Blier, appâté il faut dire par un pitch alléchant (un homme reçoit la visite de son cancer), un duo vedette qui a de la gueule (Jean Dujardin et Albert Dupontel qui se retrouvent 6 ans après "Le Convoyeur") et une bande-annonce efficace... soit la même recette diabolique que pour son précédent film. Et, une fois encore, quelle déception ! Passons rapidement sur les rares motifs de satisfaction du film à commencer par un numéro d’acteur intéressant avec un Jean Dujardin barbu, empâté et surtout très crédible en épave humaine au charisme pourtant intact (il caractérise toute le paradoxe du personnage à la fois attachant et repoussant) et un Albert Dupontel aussi amusant que détestable et tellement évident en cancer. Dommage cependant que leurs personnages sombrent très vite dans le répétitif ennuyeux. Le reste du casting est cependant plus à plaindre avec des rôles très peu écrits et franchement monochromatiques (la tout sauf excitante Anne Alvaro, la caricaturale Myriam Boyer, la belle mais décorative Christa Theret, la sacrifiée Audrey Dana, le transparent Emile Berling...). Quelques dialogues sont également à sauver, surtout au début du film, et laisse croire qu’on a retrouvé le Blier de la grande époque (la scène où Charles raconte sa journée rythmée par les bouteilles d’alcool qu’il descend est très réussie). Mais à part ça, c’est le néant total. Le scénario ? A ranger au rayon des grandes idées gâchées. Pourquoi ne pas avoir creusé la relation entre l’écrivain et son cancer, propice au rire comme aux larmes et surtout à une véritable réflexion sur la maladie, au lieu de se disperser lamentablement dans de multiples sous-intrigues qui oscillent entre le raté (le cancer de Louisa qui fait redite, les personnages qui voient le cancer parce qu’ils aiment vraiment le futur malade...), l’inutile (le divorce de Charles, le paparazzi posté devant la maison, l’amourette avec la Russe... qui parle sans le moindre accent !) et le franchement ridicule (la fausse mort du cancer et son vomi vert, le fils de Charles qui se fait dépuceler par Louisa, le dialecte incompréhensible entre Charles et Louisa lorsqu’ils couchent ensemble, la dernière visite de l’agent immobilier...). La mise en scène de Blier ? Un maelstrom d’effets de style aussi prétentieux qu’artificiels (le générique d’ouverture, les flashbacks ratés, les plans fixes sur la vieille russe, les plans séquences inutiles...) qui tentent de camoufler une réalisation au final très basique et d’une lenteur épouvantable. Et ne parlons même pas de l’insupportable musique que Blier s’évertue à balancer au lieu de laisser parler les images ! Bref, Bertrand Blier a visiblement d’enfoncer le clou de l’anarchisme épicurien, préférant faire l’apologie de l’alcool et des plaisirs charnels plutôt que de donner un semblant de structure à son film. Ce qui ne m’aurait pas forcément déranger si le réalisateur ne se prenait pas autant au sérieux avec une morale à 2 sous à base de "C’est la beauté intérieur qui compte" (c’est la moche qui finira avec l’écrivain et pas le canon russe). Mieux vaut revoir les anciens films de Blier, à l’époque où il était encore abordable !