Cette adaptation d’un roman de Stephenie Meyer par le réalisateur de "Bienvenue à Gattaca" s’avère plus plaisante que "Twilight", mais, plombée par un sentimentalisme mièvre, se pose largement en-dessous des jalons de science-fiction de notre époque. Le pitch est le suivant : dans
le futur, une race d’extraterrestres pacifiques, les Âmes, ont pris le contrôle de la Terre. La plupart des humains sont devenus des hôtes pour ces aliens qui ont envahi leur esprit en laissant leurs corps intacts. Mélanie (Saoirse Ronan) est l’une des rares humaines qui résistent encore, mais lorsque la Traqueuse (Diane Kruger), chargée d’asservir les derniers récalcitrants, la capture, une âme nommée Vagabonde est implantée dans son corps malgré elle. Vagabonde découvre tout ce qui rend la vie à l’intérieur des humains si difficile : les émotions, les passions et les souvenirs tellement vivants... De plus, Mélanie, l’ancienne propriétaire du corps qu’elle habite désormais, résiste à la possession de son esprit. La Traqueuse harcèle Vagabonde pour qu’elle puise des informations dans la mémoire de Mélanie afin d’apprendre où se cachent les derniers résistants humains, dont Jared (Max Irons), l’amant de Mélanie, Jamie (Chandler Canterbury), son frère de 11 ans, Ian (Jake Abel), l’homme que Vagabonde a déjà remarqué, et son oncle, Jeb (William Hurt). Pourtant, l’exceptionnelle volonté de Mélanie va pousser Vagabonde à devenir son alliée. Ensemble, elles se lancent dans une quête impossible pour sauver la famille de Mélanie, et les hommes qu’elles ont appris à aimer toutes les deux
... Stephenie Meyer, auteure millionnaire qui a vendu ses bouquets malodorants de "Twilight" par millions dans le monde entier, s’est aussi distinguée par le carton des "Âmes Vagabondes", en 2008, avec des semaines passées à caracoler en tête des ventes de best-sellers aux USA. L’adaptation était donc inévitable. Cette version adolescente où l’humanité est dépossédée de son corps par des extra-terrestres finalement inoffensifs, incapables de mentir ou de nuire à leurs compatriotes (tout le contraire de l’humain, quoi), est réalisée par Andrew Niccol. Ce grand nom de la science-fiction qui nous avait bouleversés dans les années 1990 avec "Bienvenue à Gattaca" nous avait aussi surpris avec l’implacable "Lord of War". On pouvait donc s’attendre à tout avec les "Les Âmes Vagabondes", en particulier à une déception. Les premiers chiffres américains, voir même espagnols puisque le film est sorti en exclusivité mondiale sur la péninsule ibérique, laissaient poindre l’échec de l’entreprise de reconquête du public massif des adolescents fans de "Hunger Games". Mais après tout, deux mois auparavant "Sublimes créatures", autre tentative de surfer sur le succès des "Twilight" et autre "Harry Potter" avait lui aussi connu un cuisant échec au box-office tout en étant un précieux teen movie à découvrir, nous n’en démordrons pas. Malheureusement, "Les Âmes Vagabondes" n’est pas, artistiquement, un désastre, et l’idée d’une suite ne nous aurait pas été insupportable (la fin laisse la porte ouverte sur de nouvelles aventures et s’oriente évidemment vers l’inévitable suite, mais le bide mondial (moins de 50 millions de dollars de recettes, score indigne des recettes d’un week-end pour "Twilight" sur l’unique sol américain) semble tirer un trait final sur les ambitions d’une franchise adolescente de science-fiction à l’échelle planétaire, qui avait surtout besoin d’un bon scénariste prêt à trahir le matériau littéraire d’origine). Le film de Niccol est loin d’être une réussite, mais ne déplaît pas totalement. Il est plutôt joliment armé dans sa réalisation et l’on apprécie sa mise en place d’un sujet de science-fiction charismatique. L’une des grandes figures rebelles humaines, incarnée par Saoirse Ronan, vient d’être capturée par l’envahisseur alien (représentée sous les traits froids de Diane Kruger) et doit accueillir en son corps un hôte de lumière... La cohabitation des âmes au cœur du même corps interpelle alors que le jeu de la jeune comédienne séduit. Cette emprise donne naissance aux dilemmes binaires propres à Stephenie Meyer, alors que l’âme humaine refuse de s’éteindre et force son occupant, que l’on nommera Gaby (contraction de "l’âme vagabonde"), à se rebeller contre l’ordre établi par les siens, et à lui faire regagner la rébellion humaine qui s’est installée dans les sous-sols du désert aride du grand Ouest, au risque de mettre en péril les derniers efforts des hommes dans ce monde d’occupation où pourtant l’harmonie a été restaurée par ces nouveaux régisseurs, incapables de violence. De cette idée séduisante qui laisse espérer pendant une heure quelques développements nerveux de chasse à l’homme, voire une réflexion philosophique sur la nature humaine, naît surtout par la suite la frustration. Le rythme tout d’abord devient boîteux, une fois le refuge souterrain intégré, le film se fige, préférant à l’action développer les mêmes travers sentimentaux naïfs que la saga "Twilight". Quand Kristen Stewart partageait ses sentiments entre un homme-loup et un vampire, ici, c’est l’enveloppe charnelle de Saoirse Ronan qui est déchirée par l’amour que portent ses deux occupants. L’humaine Mélanie retrouve son petit ami Jared (Max Irons), quand "l’âme vagabonde" Gaby va s’éprendre d’un autre humain, Ian, joué par Jake Abel... Dès la mise en place de ces rouages romantico-comiques, la tentation de décrocher est constante. Plombé par son sentimentalisme mièvre, le film d’Andrew Niccol s’éloigne alors de son vrai sujet qui est la lutte humaine pour la liberté, préférant développer l’improbable dilemme romantique naïf : l’amour hybride changera-t-il les choses ? Dans un genre de science-fiction où l’on nous a habitués à des vertiges philosophiques matures, cette menthe à l’eau pour ados ne parvient malheureusement pas à rafraîchir le spectateur en droit d’attendre d’Andrew Niccol une approche un peu moins superficielle et un point de vue plus universel. Si ce film parlera sûrement à une partie de son public adolescent, il laissera les adultes en rade en cours de route. Encore une fois, si l’ensemble se regarde sans déplaisir, on aurait vraiment aimé avoir un vrai scénariste aux commandes. Andrew Niccol a tué toute possibilité de faire des "Âmes Vagabondes" la nouvelle franchise à la mode. Au final, on a ici un très mauvais film