Les lumières de la salle s'éteignent et nous savons inconsciemment que nous allons voir un film important. Le fait qu'il soit bon ou mauvais et que nous soyons déçus ou non ne change rien, car chaque oeuvre de Jacques Audiard est un événement en soi.
Après l'enfermement carcéral (Un prophète) vient celui du corps, de la chair. Stéphanie est dresseuse d'orques et va perdre ses jambes à la suite d'un accident. Peu avant le drame, elle rencontre Ali, un jeune père paumé qui s'installe chez sa sœur.
Afin d'être en totale opposition avec son dernier film, le cinéaste souhaitait donner à De rouille et d'os une allure expressionniste. C'est un conte auquel on assiste, une sorte de rêve où les images semblent chimériques. Un soleil radieux, une lumière à la limite du surréalisme mettent en valeur des personnages pleins de failles, de faiblesses. Pourtant, Audiard ne nous ménage en pas en signant un drame qui nous prend aux tripes dés la première minute, avec des images se confondant sans cesse.
Le corps règne en maître dans cette brillante mise en scène, et la photographie n'est pas la seule à être poétique. La caméra danse sur des individus qui bougent, vivent et se battent malgré les obstacles que le destin leur met sur la route. En les filmant au plus près, le réalisateur ne lâche pas ses interprètes imprévisibles et impulsifs, qui paraissent pouvoir exploser à tout moment. Par ses côtés âpres et violents, il est vrai qu'on souffre dans De rouille et d'os, mais on ne pleure pas.
Les deux personnages centraux n'existent pas dans le recueil de nouvelles Un goût de rouille et d'os, écrit par Davidson. Cela ne les empêche pas d'avoir du caractère mais aussi une âme. Tout deux, en développant une relation faite de nons-dits, ont besoin l'un de l'autre. D'un côté, nous avons Marion Cotillard, qui prouve qu'elle est encore loin d'avoir montré tout ce qu'elle pouvait faire. De l'autre, on a Matthias Schoenaerts qui, après Bullhead, confirme son talent d'acteur au côté bestial mais terriblement fragile. À eux deux, ils forment l'une des plus belles histoires d'amour du cinéma français, tout simplement.