Un film de Jacques Audiard – y'a pas à dire – ça se reconnaît tout de suite. A l'image, au son, il y a une indéniable virtuosité qu'on ne retrouve que chez très peu d’autres, et cela dès les premières minutes. Seulement voilà, je m'interroge un peu. Si je suis forcé de reconnaître que rien n'est laissé au hasard, que tout est maîtrisé sur le bout des doigts, et que même l'interprétation est formidable (là, pour l'occasion, je reconnais le talent de Matthias Schoenaerts qui m'avait pourtant laissé froid dans "Bullhead"), je dois avouer malgré tout que je n'ai pas ressenti grand-chose dans le film, que je me suis plus souvent retrouvé dehors que dedans. J'y ai quelque peu réfléchi avant d'écrire cette critique pour comprendre ce qui me gênait, et je crois que j'ai fini par identifier le problème que me pose le film. Ce problème, c'est un petit peu le même que celui que j'avais rencontré au début "d’un prophète" : le misérabilisme outrancier. En soit, qu'une intrigue prenne racine dans un milieu qui n'est pas rose, ça ne me dérange pas. Mais quand la misère n'est plus un décor mais une démarche outrancière, là ça me dérange. Trop de scènes n'existent que pour claquer de la misère à la tronche du spectateur : le gamin qui joue dans la merde, le père qui frappe son fils, le licenciement de la sœur... Même l'hôpital semble nous plonger en pleine Biélorussie ! Je m'étonne même d'ailleurs de ces choix formels si volontairement mouvants et parfois chaotiques. Audiard n'avait pas atteint un tel point dans "De battre". A croire parfois que chez Audiard une réalisation trop soignée n'a pas sa place parmi la populace. Vous allez peut-être dire que je vais trop loin, mais personnellement, ces choix visuels là me perturbent quand même un peu. Malgré tout - c'est vrai - cela n’empêche pas à quelques scènes d'être virtuoses au point que j'en ai véritablement eu la chair de poule. De même, je n'ai pu m'empêcher de trouver certains moments très justes et très tendres. Seulement voilà, le problème c'est qu’à mes yeux, ces bons moments sont surtout condensés durant la première moitié et sont distendus les uns entre les autres à cause d'une ambiance d'ensemble un peu glauque dans laquelle je ne me suis pas du tout retrouvé. Et c'est vrai que, pour moi, cette seconde partie pose vraiment problème, car c'est clairement elle qui me fait poser cette question qu'il n'est jamais bon de se poser quand on regarde un film : « Mais où il veut en venir ? » Voilà donc pourquoi je me borne à deux maigriottes étoiles pour ce "De rouille et d'os". Mais ce n'est pas Audiard qui m'en voudra. L'année dernière, j'avais donné la même note et fait le même bilan de "The Tree of Life" et il a décroché la palme. Avec un peu de chance, vous verrez que le scénario va se répéter… C'est bien tout le mal que je souhaite à Audiard, un auteur que j'adore, même si pour le coup, je trouve son film un petit peu à côté de la plaque...