Amer était un projet audacieux, et malheureusement, il ne relève pas le défi. Quentin Tarantino a beau l’avoir trouvé super, il est désespérément insuffisant. Du point de vue de la mise en scène (le point le plus spécial du métrage), il n’y a rien de particulier à redire dans le choix des effets de style. Il est respectable et original, mais parbleu, pourquoi un tel excès ? Certains effets reviennent au moins vingt fois à la suite, et ne délivrent rien. Tant que l’on est dans l’aspect visuel, parlons des décors qui sont plutôt bons, mais en même temps le budget d’Amer pouvait lui permettre d’être plus solide de ce point de vue que beaucoup de films de genre français. Pour le reste, le découpage d’Amer est un ratage. Les trois parties sont en effet très inégales en termes de qualité, et cela crée un déséquilibre très mal venu. La première, un peu faible n’est pas très engageante, la deuxième est plus expérimentale mais à mon sens est la mieux maitrisée, la dernière plombe l’ensemble. Le jeu des acteurs est lui aussi très inégal, allant de très moyen à juste bon. Aucun ne m’a vraiment marqué, il est vrai que la plupart n’ont pas grand-chose à faire, ayant très peu de dialogues, et se contentant de déambuler la plupart du temps tandis que la mise en scène fait le boulot. La musique est bonne, mais pioche largement chez les autres, notamment Cipriani qui introduit avec classe la deuxième partie du film. Mais le comble reste le rythme. Heureusement qu’Amer se découpe en chapitre, cela permet de faire des pauses car là, regarder le tout d’une traite est un défi herculéen. Sans véritable récit, il faut que le film soit impeccable du point de vue formel, et soit une expérience prenante. Malheureusement, comme expliqué plus haut ce n’est pas le cas, et le film enchaine les banalités, répète ses effets jusqu’à plus soif, étire les scènes dans leurs derniers retranchements, pour au final, ne rien transmettre. Ni l’esprit, ni les sens ne reçoivent la moindre stimulation.
Bref un film dont il faut saluer le courage malgré tout, qui est doté de quelques belles scènes, la mise en scène n’est pas à mettre à la poubelle (juste les longueurs), la musique quoique reprise d’autres films est bien choisie, et la partie centrale du métrage s’en tire pas trop mal, à tous les niveaux. Par contre pourquoi rapprocher autant Amer du cinéma italien ? En dehors des références musicales, et de quelques subreptices allusion à Argento ou Bava, les réalisateurs sont très loin de « triturer à l’infini la matière du cinéma B italien » pour paraphraser Mad movies. D’une part le cinéma B italien ne se limite pas aux gialli, et franchement ceux qui trouve du Fulci par exemple dans Amer, qu’il me le dise. D’autre part le cinéma bis italien c’est le visuel, l’explicite, le déploiement, c’est le Cri de Munch alors qu’Amer est un film profondément implicite et introspectif, c’est l’Homme devant la mer de nuage de Friedrich. En gros dans le premier cas le fruit vous est tendu, dans le second il faut aller le cueillir.