Super, histoire d’un super-héros sans super-pouvoirs, fait partie de ces films intéressants qui passent pourtant à travers les mailles du grand public au vu de leur nature peu commune. Ce que l’on aime à appeler “ovni cinématographique” : différent, étrange, et susceptible de ne recevoir qu’un accueil mitigé à sa sortie sur grand écran. Concernant Super, son succès en salles aux Etats-Unis fut catastrophique – probablement en partie pénalisé par la sortie au préalable de Kick-Ass traitant du même thème (cependant, les deux n’ont rien à voir).
UNE COMÉDIE NOIRE (MAIS PAS VRAIMENT EN FAIT)
Super fait partie de ces films mal reflétés par leur bande-annonce (un phénomène bien connu et dont a souffert, par exemple, Drive). Celle-ci laisse présager d’une comédie au second degré, voire un peu décalée. Mais ce film n’est pas une comédie. Si le second degré y règne, l’humour y est très noir et l’on se rend peu à peu compte que l’on a là un genre presque nouveau. Certaines situations sont très crues, sans sombrer dans le gore inutile, mais pourraient être réelles si un homme un peu simplet pétait un plomb et s’armait de ce qui lui tombe sous la main pour devenir un super-héros.
J’ai cependant un petit coup de coeur pour Super, comme j’ai tendance à l’avoir pour les films de faux super-héros (Kick-Ass m’avait mis une claque monumentale), tant pour le thème abordé que pour son ambiance particulière, malgré la violence de certaines scènes qui contraste avec la douceur d’autres passages… Comme si nous n’avions plus de repères quant à la nature de nos actions par rapport au Bien et au Mal : comme Frank, finalement. En fait, ce film fait un peu peur. et si des gens comme ça existaient vraiment dans notre entourage ?
Ce que certains verront comme un défaut confère également au film une partie de sa force : ce sentiment de malaise grandissant lorsque Frank agit sans mesure, tellement obsédé par son combat contre le crime qu’il en vient à assassiner à coup de clé à molette les tricheurs d’une file d’attente ; une tendance qui continue à mesure qu’il avance dans sa quête, dépassé par les évènements. Le personnage de Libby, vendeuse dans un magasin de comics et complètement allumée (jouée avec brio par une Ellen Page absolument fabuleuse en fan psychotique) vient épauler Frank et renforce le phénomène avec sa personnalité complètement barrée.
Plusieurs meurtres, un viol (complètement dingue cette Ellen Page, je vous dis…), de la drogue… mais également des dessins au crayon et une morale de fin complètement bisounours. Le film est en fait très hétérogène, et où certains auraient poussé l’humour et l’absurde pour en faire une comédie, le réalisateur a choisi d’y laisser une certaine part de réalisme, ce qui explique probablement notre malaise. Je serai curieuse de voir le prochain film réalisé par James Gunn : l’on pourra s’attendre au meilleur comme au pire.
A noter, la prestation inoubliable d’Ellen Page, toujours aussi mignonne même en psychopathe meurtrière, et de Kevin Bacon qui se trouve une nouvelle vocation dans les rôles de méchant (il faut dire qu’il a la gueule de l’emploi – pardon Kevin). En revanche Liv Tyler est toujours aussi inexpressive et inutile ; son rôle aurait mérité quelqu’un de plus charismatique en droguée têtue de mauvaise foi.