Première scène, un combat de boxe, des coups, deux frères, une virulence déjà palpable, une couleur rouge prédominante, des doutes. Les thèmes semblent posés mais Nicolas Winding Refn retourne sans attendre ce début d’intrigue. Billy (Tom Burke) navigue dans les rues miséreuses de Bangkok, exige une gamine de 14 ans, provoque la peur et finit par assassiner une prostituée. La police s’en mêle et par un intermédiaire l’exécute. Crystal (Kristin Scott Thomas), la mère, débarque des Etats-Unis et ivre de vengeance réclame la tête du meurtrier à son autre fils, Julian (Ryan Gosling).
En quelques séquences, le réalisateur use directement du contre-pied et assène au spectateur des fausses pistes maîtrisées, déstabilisantes, passionnantes. Only God Forgives est un travail fabuleusement intelligent porté par une esthétique impressionnante, capitale, magnifique et éblouissante. Cadré par Larry Smith, ex-chef opérateur de Stanley Kubrick sur Eyes Wide Shut, chaque plan propose une virtuosité sidérante, impeccable et fondamentale. Les personnages errent dans un monde rigoriste, froid fait de décors parfaitement agencés où la violence paraît sans cesse contrôlée jusqu’à une explosion brutale offrant plusieurs passages d’une beauté exaltante. Visuellement prodigieux, cet enchaînement de prouesses magistrales sert un scénario trompeusement famélique.
Ainsi, stupeurs et ravissements sont au programme de cette aventure oedipienne, rappelant le meilleur de Lynch ou de Cronenberg, dans laquelle un héros impuissant plonge presque malgré lui dans un environnement mystérieux symbolisé par un homme, Chang (Vithaya Pansringarm), faisant régner une justice impitoyable. Il réside également un splendide art de la mise en scène puisque l’action sinueuse se dévoile avec une minutie subjuguante impliquant une nervosité permanente et une tension mirifique. Enfin, un mot sur les acteurs et notamment Ryan Gosling qui se place indiscutablement comme un artiste brillant, au sommet, extrêmement talentueux et culte. Plus qu’une confirmation, c’est l’avénement d’un comédien bouleversant capable de passer en une fraction de seconde d’un silence inquiétant à une furie spectaculaire.
A mille lieux de Drive, le duo Gosling/Refn présente l’un des films les plus incroyables de l’année. En effet, ce dernier avale les références et soumet une oeuvre unique et essentielle. Extrême, hyper-enragé, en réinvention continuelle, Only God Forgives fascine, secoue, trouble, déconcerte et émerveille. Tout en ne laissant pas indifférent.